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Шарль Бодлер - Цветы зла [1857]
Язык оригинала: FRA
Известность произведения: Средняя
Метки: poetry, Лирика, Модернизм, Поэзия, Сборник, Эротика

Аннотация. Стихотворный сборник «Цветы зла» (1857) - наиболее значительное произведение Ш. Бодлера, од­ного из крупнейших поэтов Франции XIX в. Герой цикла разрывается между идеалом духовной красоты и красотой порока, его терзают ощущение раздвоенности и жажда смерти. В настоящем издании перевод Эллиса впервые дается с параллельным французским текстом. Его дополняет статья Теофиля Готье.

Полный текст.
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LA BÉATRICE     Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure, Comme je me plaignais un jour à la nature, Et que de ma pensée, en vaguant au hasard, J'aiguisais lentement sur mon cœur le poignard, Je vis en plein midi descendre sur ma tête Un nuage funèbre et gros d'une tempête, Qui portait un troupeau de démons vicieux, Semblables à des nains cruels et curieux. À me considérer froidement ils se mirent, Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent, Je les entendis rire et chuchoter entre eux, En échangeant maint signe et maint clignement d'yeux:   – "Contemplons à loisir cette caricature Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture, Le regard indécis et les cheveux au vent. N'est-ce pas grand'pitié de voir ce bon vivant, Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle, Parce qu'il sait jouer artistement son rôle, Vouloir intéresser au chant de ses douleurs Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs, Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques, Réciter en hurlant ses tirades publiques?"   J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts Domine la nuée et le cri des démons) Détourner simplement ma tête souveraine, Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obscène, Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil! La reine de mon cœur au regard nonpareil, Qui riait avec eux de ma sombre détresse Et leur versait parfois quelque sale caresse.   русский   CXVI UN VOYAGE À CYTHÈRE     Mon cœur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux Et planait librement à l'entour des cordages; Le navire roulait sous un ciel sans nuages, Comme un ange enivré d'un soleil radieux.   Quelle est cette île triste et noire? – C'est Cythère, Nous dit-on, un pays fameux dans les chansons, Eldorado banal de tous les vieux garçons. Regardez, après tout, c'est une pauvre terre.   – Île des doux secrets et des fêtes du cœur! De l'antique Vénus le superbe fantôme Au-dessus de tes mers plane comme un arôme, Et charge les esprits d'amour et de langueur.   Belle île aux myrtes verts, pleine de fleurs écloses, Vénérée à jamais par toute nation, Où les soupirs des cœurs en adoration Roulent comme l'encens sur un jardin de roses   Ou le roucoulement éternel d'un ramier! – Cythère n'était plus qu'un terrain des plus maigres, Un désert rocailleux troublé par des cris aigres. J'entrevoyais pourtant un objet singulier!   Ce n'était pas un temple aux ombres bocagères, Où la jeune prêtresse, amoureuse des fleurs, Allait, le corps brûlé de secrètes chaleurs, Entre-bâillant sa robe aux brises passagères;   Mais voilà qu'en rasant la côte d'assez près Pour troubler les oiseaux avec nos voiles blanches, Nous vîmes que c'était un gibet à trois branches, Du ciel se détachant en noir, comme un cyprès.   De féroces oiseaux perchés sur leur pâture Détruisaient avec rage un pendu déjà mûr, Chacun plantant, comme un outil, son bec impur Dans tous les coins saignants de cette pourriture;   Les yeux étaient deux trous, et du ventre effondré Les intestins pesants lui coulaient sur les cuisses, Et ses bourreaux, gorgés de hideuses délices, L'avaient à coups de bec absolument châtré.   Sous les pieds, un troupeau de jaloux quadrupèdes, Le museau relevé, tournoyait et rôdait; Une plus grande bête au milieu s'agitait Comme un exécuteur entouré de ses aides.   Habitant de Cythère, enfant d'un ciel si beau, Silencieusement tu souffrais ces insultes En expiation de tes infâmes cultes Et des péchés qui t'ont interdit le tombeau.   Ridicule pendu, tes douleurs sont les miennes! Je sentis, à l'aspect de tes membres flottants, Comme un vomissement, remonter vers mes dents Le long fleuve de fiel des douleurs anciennes;   Devant toi, pauvre diable au souvenir si cher, J'ai senti tous les becs et toutes les mâchoires Des corbeaux lancinants et des panthères noires Qui jadis aimaient tant à triturer ma chair.   – Le ciel était charmant, la mer était unie; Pour moi tout était noir et sanglant désormais, Hélas! Et j'avais, comme en un suaire épais, Le cœur enseveli dans cette allégorie.   Dans ton île, ô Vénus! Je n'ai trouvé debout Qu'un gibet symbolique où pendait mon image… – Ah! Seigneur! Donnez-moi la force et le courage De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût!   русский   CXVII L'AMOUR ET LE CRÂNE     VIEUX CUL-DE-LAMPE.   L'amour est assis sur le crâne    De l'Humanité, Et sur ce trône le profane    Au rire effronté,   Souffle gaiement des bulles rondes    Qui montent dans l'air, Comme pour rejoindre les mondes    Au fond de l'éther.   Le globe lumineux et frêle    Prend un grand essor, Crève et crache son âme grêle    Comme un songe d'or.   J'entends le crâne à chaque bulle    Prier et gémir: – "Ce jeu féroce et ridicule,    Quand doit-il finir?   Car ce que ta bouche cruelle    Éparpille en l'air, Monstre assassin, c'est ma cervelle,    Mon sang et ma chair!"   русский    REVOLTE   CXVIII LE RENIEMENT DE SAINT PIERRE     Qu'est-ce que Dieu fait donc de ce flot d'anathèmes Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins? Comme un tyran gorgé de viande et de vins, Il s'endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.   Les sanglots des martyrs et des suppliciés Sont une symphonie enivrante sans doute, Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte, Les cieux ne s'en sont point encore rassasiés!   – Ah! Jésus, souviens-toi du Jardin des Olives! Dans ta simplicité tu priais à genoux Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous Que d'ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,   Lorsque tu vis cracher sur ta divinité La crapule du corps de garde et des cuisines, Et lorsque tu sentis s'enfoncer les épines Dans ton crâne où vivait l'immense Humanité;   Quand de ton corps brisé la pesanteur horrible Allongeait tes deux bras distendus, que ton sang Et ta sueur coulaient de ton front pâlissant, Quand tu fus devant tous posé comme une cible,   Rêvais-tu de ces jours si brillants et si beaux Où tu vins pour remplir l'éternelle promesse, Où tu foulais, monté sur une douce ânesse, Des chemins tout jonchés de fleurs et de rameaux,   Où, le cœur tout gonflé d'espoir et de vaillance, Tu fouettais tous ces vils marchands à tour de bras, Où tu fus maître enfin? Le remords n'a-t-il pas Pénétré dans ton flanc plus avant que la lance?   – Certes, je sortirai, quant à moi, satisfait D'un monde où l'action n'est pas la sœur du rêve; Puissé-je user du glaive et périr par le glaive! Saint Pierre a renié Jésus… Il a bien fait!   русский   CXIX ABEL ET CAÏN       I Race d'Abel, dors, bois et mange; Dieu te sourit complaisamment.   Race de Caïn, dans la fange Rampe et meurs misérablement.   Race d'Abel, ton sacrifice Flatte le nez du Séraphin!   Race de Caïn, ton supplice Aura-t-il jamais une fin?   Race d'Abel, vois tes semailles Et ton bétail venir à bien;   Race de Caïn, tes entrailles Hurlent la faim comme un vieux chien.   Race d'Abel, chauffe ton ventre À ton foyer patriarcal;   Race de Caïn, dans ton antre Tremble de froid, pauvre chacal!   Race d'Abel, aime et pullule! Ton or fait aussi des petits.   Race de Caïn, cœur qui brûle, Prends garde à ces grands appétits.   Race d'Abel, tu croîs et broutes Comme les punaises des bois!   Race de Caïn, sur les routes Traîne ta famille aux abois.     II Ah! Race d'Abel, ta charogne Engraissera le sol fumant!   Race de Caïn, ta besogne N'est pas faite suffisamment;   Race d'Abel, voici ta honte: Le fer est vaincu par l'épieu!   Race de Caïn, au ciel monte, Et sur la terre jette Dieu!   русский   CXX LES LITANIES DE SATAN     Ô toi, le plus savant et le plus beau des Anges, Dieu trahi par le sort et privé de louanges,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Ô Prince de l'exil, à qui l'on a fait tort, Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort.   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines, Guérisseur familier des angoisses humaines,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits, Enseignes par l'amour le goût du Paradis,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Ô toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante, Engendras l'Espérance, – une folle charmante!   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui sais en quels coins des terres envieuses Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi dont l'œil clair connaît les profonds arsenaux Où dort enseveli le peuple des métaux,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi dont la large main cache les précipices Au somnambule errant au bord des édifices,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre, Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui poses ta marque, ô complice subtil, Sur le front du Crésus impitoyable et vil,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Toi qui mets dans les yeux et dans le cœur des filles Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Bâton des exilés, lampe des inventeurs, Confesseur des pendus et des conspirateurs,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!   Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,   Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!     PRIÈRE Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs Du Ciel, où tu règnas, et dans les profondeurs De l'Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence! Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science, Près de toi se repose, à l'heure où sur ton front Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront!   русский    LA MORT   CXXI LA MORT DES AMANTS     Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères, Des divans profonds comme des tombeaux, Et d'étranges fleurs sur des étagères, Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.   Usant à l'envi leurs chaleurs dernières, Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux, Qui réfléchiront leurs doubles lumières Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.   Un soir fait de rose et de bleu mystique, Nous échangerons un éclair unique, Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;   Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes, Viendra ranimer, fidèle et joyeux, Les miroirs ternis et les flammes mortes.   русский   CXXII LA MORT DES PAUVRES     C'est la Mort qui console, hélas! Et qui fait vivre; C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre, Et nous donne le cœur de marcher jusqu'au soir;   À travers la tempête, et la neige, et le givre, C'est la clarté vibrante à notre horizon noir; C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre, Où l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir;   C'est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques Le sommeil et le don des rêves extatiques, Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;   C'est la gloire des dieux, c'est le grenier mystique, C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique, C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!   русский   CXXIII LA MORT DES ARTISTES     Combien faut-il de fois secouer mes grelots Et baiser ton front bas, morne caricature? Pour piquer dans le but, de mystique nature, Combien, ô mon carquois, perdre de javelots?   Nous userons notre âme en de subtils complots, Et nous démolirons mainte lourde armature, Avant de contempler la grande Créature Dont l'infernal désir nous remplit de sanglots!   Il en est qui jamais n'ont connu leur Idole, Et ces sculpteurs damnés et marqués d'un affront, Qui vont se martelant la poitrine et le front,   N'ont qu'un espoir, étrange et sombre Capitole! C'est que la Mort, planant comme un soleil nouveau, Fera s'épanouir les fleurs de leur cerveau!   русский   CXXIV LA FIN DE LA JOURNÉE     Sous une lumière blafarde Court, danse et se tord sans raison La Vie, impudente et criarde. Aussi, sitôt qu'à l'horizon   La nuit voluptueuse monte, Apaisant tout, même la faim, Effaçant tout, même la honte, Le Poète se dit:"Enfin!   Mon esprit, comme mes vertèbres, Invoque ardemment le repos; Le cœur plein de songes funèbres,   Je vais me coucher sur le dos Et me rouler dans vos rideaux, Ô rafraîchissantes ténèbres!"   русский   CXXV LE RÊVE D'UN CURIEUX  À F.N.     Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse, Et de toi fais-tu dire: "Oh! l'homme singulier!" – J'allais mourir. C'était dans mon âme amoureuse, Désir mêlé d'horreur, un mal particulier;   Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse. Plus allait se vidant le fatal sablier, Plus ma torture était âpre et délicieuse; Tout mon cœur s'arrachait au monde familier.   J'étais comme l'enfant avide du spectacle, Haïssant le rideau comme on hait un obstacle… Enfin la vérité froide se révéla:   J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore M'enveloppait. – Eh quoi! N'est-ce donc que cela? La toile était levée et j'attendais encore.   русский   CXXVI LE VOYAGE   À Maxime Du Camp.       I Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes, L'univers est égal à son vaste appétit. Ah! Que le monde est grand à la clarté des lampes! Aux yeux du souvenir que le monde est petit!   Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, Le cœur gros de rancune et de désirs amers, Et nous allons, suivant le rythme de la lame, Berçant notre infini sur le fini des mers:   Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme; D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns, Astrologues noyés dans les yeux d'une femme, La Circé tyrannique aux dangereux parfums.   Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent D'espace et de lumière et de cieux embrasés; La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent, Effacent lentement la marque des baisers.   Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent Pour partir; cœurs légers, semblables aux ballons, De leur fatalité jamais ils ne s'écartent, Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!   Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues, Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon, De vastes voluptés, changeantes, inconnues, Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!     II Nous imitons, horreur! La toupie et la boule Dans leur valse et leurs bonds; même dans nos sommeils La Curiosité nous tourmente et nous roule, Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.   Singulière fortune où le but se déplace,

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