Поделиться:
  Угадай писателя | Писатели | Карта писателей | Острова | Контакты

Шарль Бодлер - Цветы зла [1857]
Язык оригинала: FRA
Известность произведения: Средняя
Метки: poetry, Лирика, Модернизм, Поэзия, Сборник, Эротика

Аннотация. Стихотворный сборник «Цветы зла» (1857) - наиболее значительное произведение Ш. Бодлера, од­ного из крупнейших поэтов Франции XIX в. Герой цикла разрывается между идеалом духовной красоты и красотой порока, его терзают ощущение раздвоенности и жажда смерти. В настоящем издании перевод Эллиса впервые дается с параллельным французским текстом. Его дополняет статья Теофиля Готье.

Полный текст.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 

Des nappes d'eau s'épanchaient, bleues, Entre des quais roses et verts, Pendant des millions de lieues, Vers les confins de l'univers;   C'étaient des pierres inouïes Et des flots magiques; c'étaient D'immenses glaces éblouies Par tout ce qu'elles reflétaient!   Insouciants et taciturnes, Des Ganges, dans le firmament, Versaient le trésor de leurs urnes Dans des gouffres de diamant.   Architecte de mes féeries, Je faisais, à ma volonté, Sous un tunnel de pierreries Passer un océan dompté;   Et tout, même la couleur noire, Semblait fourbi, clair, irisé; Le liquide enchâssait sa gloire Dans le rayon cristallisé.   Nul astre d'ailleurs, nuls vestiges De soleil, même au bas du ciel, Pour illuminer ces prodiges, Qui brillaient d'un feu personnel!   Et sur ces mouvantes merveilles Planait (terrible nouveauté! Tout pour œil, rien pour les oreilles!) Un silence d'éternité.     II En rouvrant mes yeux pleins de flamme J'ai vu l'horreur de mon taudis, Et senti, rentrant dans mon âme, La pointe des soucis maudits;   La pendule aux accents funèbres Sonnait brutalement midi, Et le ciel versait des ténèbres Sur le triste monde engourdi.   русский   CIII LE CRÉPUSCULE DU MATIN     La diane chantait dans les cours des casernes, Et le vent du matin soufflait sur les lanternes. C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents; Où, comme un œil sanglant qui palpite et qui bouge, La lampe sur le jour fait une tache rouge; Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd, Imite les combats de la lampe et du jour. Comme un visage en pleurs que les brises essuient, L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient, Et l'homme est las d'écrire et la femme d'aimer.   Les maisons çà et là commençaient à fumer. Les femmes de plaisir, la paupière livide, Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide; Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids, Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts. C'était l'heure où parmi le froid et la lésine S'aggravent les douleurs des femmes en gésine; Comme un sanglot coupé par un sang écumeux Le chant du coq au loin déchirait l'air brumeux; Une mer de brouillards baignait les édifices, Et les agonisants dans le fond des hospices Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux. Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux.   L'aurore grelottante en robe rose et verte S'avançait lentement sur la Seine déserte, Et le sombre Paris, en se frottant les yeux, Empoignait ses outils, vieillard laborieux.   русский    LE VIN   CIV L'ÂME DU VIN     Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles: "Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, Un chant plein de lumière et de fraternité!   Je sais combien il faut, sur la colline en flamme, De peine, de sueur et de soleil cuisant Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme; Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,   Car j'éprouve une joie immense quand je tombe Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux, Et sa chaude poitrine est une douce tombe Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.   Entends-tu retentir les refrains des dimanches Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant? Les coudes sur la table et retroussant tes manches, Tu me glorifieras et tu seras content;   J'allumerai les yeux de ta femme ravie; À ton fils je rendrai sa force et ses couleurs Et serai pour ce frêle athlète de la vie L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.   En toi je tomberai, végétale ambroisie, Grain précieux jeté par l'éternel Semeur, Pour que de notre amour naisse la poésie Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!"   русский   CV LE VIN DES CHIFFONNIERS     Souvent, à la clarté rouge d'un réverbère Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre, Au cœur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux Où l'humanité grouille en ferments orageux,   On voit un chiffonnier qui vient, hochant la tête, Butant, et se cognant aux murs comme un poète, Et, sans prendre souci des mouchards, ses sujets, Épanche tout son cœur en glorieux projets.   Il prête des serments, dicte des lois sublimes, Terrasse les méchants, relève les victimes, Et sous le firmament comme un dais suspendu S'enivre des splendeurs de sa propre vertu.   Oui, ces gens harcelés de chagrins de ménage, Moulus par le travail et tourmentés par l'âge, Éreintés et pliant sous un tas de débris, Vomissement confus de l'énorme Paris,   Reviennent, parfumés d'une odeur de futailles, Suivis de compagnons, blanchis dans les batailles, Dont la moustache pend comme les vieux drapeaux. Les bannières, les fleurs et les arcs triomphaux   Se dressent devant eux, solennelle magie! Et dans l'étourdissante et lumineuse orgie Des clairons, du soleil, des cris et du tambour, Ils apportent la gloire au peuple ivre d'amour!   C'est ainsi qu'à travers l'Humanité frivole Le vin roule de l'or, éblouissant Pactole; Par le gosier de l'homme il chante ses exploits Et règne par ses dons ainsi que les vrais rois.   Pour noyer la rancœur et bercer l'indolence De tous ces vieux maudits qui meurent en silence, Dieu, touché de remords, avait fait le sommeil; L'homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil!   русский   CVI LE VIN DE L'ASSASSIN     Ma femme est morte, je suis libre! Je puis donc boire tout mon soûl. Lorsque je rentrais sans un sou, Ses cris me déchiraient la fibre.   Autant qu'un roi je suis heureux; L'air est pur, le ciel admirable… Nous avions un été semblable Lorsque j'en devins amoureux!   L'horrible soif qui me déchire Aurait besoin pour s'assouvir D'autant de vin qu'en peut tenir Son tombeau; – ce n'est pas peu dire:   Je l'ai jetée au fond d'un puits, Et j'ai même poussé sur elle Tous les pavés de la margelle. – Je l'oublierai si je le puis!   Au nom des serments de tendresse, Dont rien ne peut nous délier, Et pour nous réconcilier Comme au beau temps de notre ivresse,   J'implorais d'elle un rendez-vous, Le soir, sur une route obscure. Elle y vint! – folle créature! Nous sommes tous plus ou moins fous!   Elle était encore jolie, Quoique bien fatiguée! Et moi, Je l'aimais trop! Voilà pourquoi Je lui dis: Sors de cette vie!   Nul ne peut me comprendre. Un seul Parmi ces ivrognes stupides Songea-t-il dans ses nuits morbides À faire du vin un linceul?   Cette crapule invulnérable Comme les machines de fer Jamais, ni l'été ni l'hiver, N'a connu l'amour véritable,   Avec ses noirs enchantements, Son cortège infernal d'alarmes, Ses fioles de poison, ses larmes, Ses bruits de chaîne et d'ossements!   – Me voilà libre et solitaire! Je serai ce soir ivre mort; Alors, sans peur et sans remord, Je me coucherai sur la terre,   Et je dormirai comme un chien! Le chariot aux lourdes roues Chargé de pierres et de boues, Le wagon enragé peut bien   Écraser ma tête coupable Ou me couper par le milieu, Je m'en moque comme de Dieu, Du Diable ou de la Sainte Table!   русский   CVII LE VIN DU SOLITAIRE     Le regard singulier d'une femme galante Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant, Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante;   Le dernier sac d'écus dans les doigts d'un joueur; Un baiser libertin de la maigre Adeline; Les sons d'une musique énervante et câline, Semblable au cri lointain de l'humaine douleur,   Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde, Les baumes pénétrants que ta panse féconde Garde au cœur altéré du poète pieux;   Tu lui verses l'espoir, la jeunesse et la vie, – Et l'orgueil, ce trésor de toute gueuserie, Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux.   русский   CVIII LE VIN DES AMANTS     Aujourd'hui l'espace est splendide! Sans mors, sans éperons, sans bride, Partons à cheval sur le vin Pour un ciel féerique et divin!   Comme deux anges que torture Une implacable calenture, Dans le bleu cristal du matin Suivons le mirage lointain!   Mollement balancés sur l'aile Du tourbillon intelligent, Dans un délire parallèle,   Ma sœur, côte à côte nageant, Nous fuirons sans repos ni trêves Vers le paradis de mes rêves!   русский    FLEURS DU MAL   CIX LA DESTRUCTION     Sans cesse à mes côtés s'agite le Démon; Il nage autour de moi comme un air impalpable; Je l'avale et le sens qui brûle mon poumon Et l'emplit d'un désir éternel et coupable.   Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art, La forme de la plus séduisante des femmes, Et, sous de spécieux prétextes de cafard, Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes.   Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu, Haletant et brisé de fatigue, au milieu Des plaines de l'Ennui, profondes et désertes,   Et jette dans mes yeux pleins de confusion Des vêtements souillés, des blessures ouvertes, Et l'appareil sanglant de la Destruction!   русский   CX UNE MARTYRE     DESSIN D'UN MAÎTRE INCONNU   Au milieu des flacons, des étoffes lamées   Et des meubles voluptueux, Des marbres, des tableaux, des robes parfumées   Qui traînent à plis somptueux,   Dans une chambre tiède où, comme en une serre,   L'air est dangereux et fatal, Où des bouquets mourants dans leurs cercueils de verre   Exhalent leur soupir final,   Un cadavre sans tête épanche, comme un fleuve,   Sur l'oreiller désaltéré Un sang rouge et vivant, dont la toile s'abreuve   Avec l'avidité d'un pré.   Semblable aux visions pâles qu'enfante l'ombre   Et qui nous enchaînent les yeux, La tête, avec l'amas de sa crinière sombre   Et de ses bijoux précieux,   Sur la table de nuit, comme une renoncule,   Repose; et, vide de pensers, Un regard vague et blanc comme le crépuscule   S'échappe des yeux révulsés.   Sur le lit, le tronc nu sans scrupules étale   Dans le plus complet abandon La secrète splendeur et la beauté fatale   Dont la nature lui fit don;   Un bas rosâtre, orné de coins d'or, à la jambe,   Comme un souvenir est resté; La jarretière, ainsi qu'un œil secret qui flambe,   Darde un regard diamanté.   Le singulier aspect de cette solitude   Et d'un grand portrait langoureux, Aux yeux provocateurs comme son attitude,   Révèle un amour ténébreux,   Une coupable joie et des fêtes étranges   Pleines de baisers infernaux, Dont se réjouissait l'essaim des mauvais anges   Nageant dans les plis des rideaux;   Et cependant, à voir la maigreur élégante   De l'épaule au contour heurté, La hanche un peu pointue et la taille fringante   Ainsi qu'un reptile irrité,   Elle est bien jeune encore! – son âme exaspérée   Et ses sens par l'ennui mordus S'étaient-ils entr'ouverts à la meute altérée   Des désirs errants et perdus?   L'homme vindicatif que tu n'as pu, vivante,   Malgré tant d'amour, assouvir, Combla-t-il sur ta chair inerte et complaisante   L'immensité de son désir?   Réponds, cadavre impur! Et par tes tresses roides   Te soulevant d'un bras fiévreux, Dis-moi, tête effrayante, a-t-il sur tes dents froides   Collé les suprêmes adieux?   – Loin du monde railleur, loin de la foule impure,   Loin des magistrats curieux, Dors en paix, dors en paix, étrange créature,   Dans ton tombeau mystérieux;   Ton époux court le monde, et ta forme immortelle   Veille près de lui quand il dort; Autant que toi sans doute il te sera fidèle,   Et constant jusques à la mort.   русский   CXI FEMMES DAMNÉES     Comme un bétail pensif sur le sable couchées, Elles tournent leurs yeux vers l'horizon des mers, Et leurs pieds se cherchent et leurs mains rapprochées Ont de douces langueurs et des frissons amers.   Les unes, cœurs épris des longues confidences, Dans le fond des bosquets où jasent les ruisseaux, Vont épelant l'amour des craintives enfances Et creusent le bois vert des jeunes arbrisseaux;   D'autres, comme des sœurs, marchent lentes et graves À travers les rochers pleins d'apparitions, Où Saint Antoine a vu surgir comme des laves Les seins nus et pourprés de ses tentations;   Il en est, aux lueurs des résines croulantes, Qui dans le creux muet des vieux antres païens T'appellent au secours de leurs fièvres hurlantes, Ô Bacchus, endormeur des remords anciens!   Et d'autres, dont la gorge aime les scapulaires, Qui, recelant un fouet sous leurs longs vêtements, Mêlent, dans le bois sombre et les nuits solitaires, L'écume du plaisir aux larmes des tourments.   Ô vierges, ô démons, ô monstres, ô martyres, De la réalité grands esprits contempteurs, Chercheuses d'infini, dévotes et satyres, Tantôt pleines de cris, tantôt pleines de pleurs,   Vous que dans votre enfer mon âme a poursuivies, Pauvres sœurs, je vous aime autant que je vous plains, Pour vos mornes douleurs, vos soifs inassouvies, Et les urnes d'amour dont vos grands cœurs sont pleins!   русский   CXII LES DEUX BONNES SŒURS     La Débauche et la Mort sont deux aimables filles, Prodigues de baisers et riches de santé, Dont le flanc toujours vierge et drapé de guenilles Sous l'éternel labeur n'a jamais enfanté.   Au poète sinistre, ennemi des familles, Favori de l'enfer, courtisan mal renté, Tombeaux et lupanars montrent sous leurs charmilles Un lit que le remords n'a jamais fréquenté.   Et la bière et l'alcôve en blasphèmes fécondes Nous offrent tour à tour, comme deux bonnes sœurs, De terribles plaisirs et d'affreuses douceurs.   Quand veux-tu m'enterrer, Débauche aux bras immondes? Ô Mort, quand viendras-tu, sa rivale en attraits, Sur ses myrtes infects enter tes noirs cyprès?   русский   CXIII LA FONTAINE DE SANG     Il me semble parfois que mon sang coule à flots, Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots. Je l'entends bien qui coule avec un long murmure, Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.   À travers la cité, comme dans un champ clos, Il s'en va, transformant les pavés en îlots, Désaltérant la soif de chaque créature, Et partout colorant en rouge la nature.   J'ai demandé souvent à des vins captieux D'endormir pour un jour la terreur qui me mine; Le vin rend œil plus clair et l'oreille plus fine!   J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux; Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles Fait pour donner à boire à ces cruelles filles!   русский   CXIV ALLÉGORIE     C'est une femme belle et de riche encolure, Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure. Les griffes de l'amour, les poisons du tripot, Tout glisse et tout s'émousse au granit de sa peau. Elle rit à la Mort et nargue la Débauche, Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche, Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté De ce corps ferme et droit la rude majesté. Elle marche en déesse et repose en sultane; Elle a dans le plaisir la foi mahométane, Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins, Elle appelle des yeux la race des humains. Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde Et pourtant nécessaire à la marche du monde, Que la beauté du corps est un sublime don Qui de toute infamie arrache le pardon. Elle ignore l'Enfer comme le Purgatoire, Et quand l'heure viendra d'entrer dans la Nuit noire, Elle regardera la face de la Mort, Ainsi qu'un nouveau-né, - sans haine et sans remord.   русский   CXV

The script ran 0.005 seconds.