Поделиться:
  Угадай писателя | Писатели | Карта писателей | Острова | Контакты

Шарль Бодлер - Цветы зла [1857]
Язык оригинала: FRA
Известность произведения: Средняя
Метки: poetry, Лирика, Модернизм, Поэзия, Сборник, Эротика

Аннотация. Стихотворный сборник «Цветы зла» (1857) - наиболее значительное произведение Ш. Бодлера, од­ного из крупнейших поэтов Франции XIX в. Герой цикла разрывается между идеалом духовной красоты и красотой порока, его терзают ощущение раздвоенности и жажда смерти. В настоящем издании перевод Эллиса впервые дается с параллельным французским текстом. Его дополняет статья Теофиля Готье.

Полный текст.
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 

Quae imbuta es magnete.   Quum vitiorum tempestas Turbabat omnes semitas, Apparuisti, Deitas,   Velut stella salutaris In naufragiis amaris… Suspendam cor tuis aris!   Piscina plena virtutis, Fons aeternae juventutis, Labris vocem redde mutis!   Quod erat spurcum, cremasti; Quod rudius, exaequasti; Quod debile, confirmasti.   In fame mea taberna, In nocte mea lucerna, Recte me semper guberna.   Adde nunc vires viribus, Dulce balneum suavibus Unguentatum odoribus!   Meos circa lumbos mica, O castitatis lorica, Aqua tincta seraphica;   Patera gemmis corusca, Panis salsus, mollis esca, Divinum vinum, Francisca!   русский   LXI À UNE DAME CRÉOLE     Au pays parfumé que le soleil caresse, J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse, Une dame créole aux charmes ignorés.   Son teint est pâle et chaud; la brune enchanteresse A dans le cou des airs noblement maniérés; Grande et svelte en marchant comme une chasseresse, Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.   Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire, Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire, Belle digne d'orner les antiques manoirs,   Vous feriez, à l'abri des ombreuses retraites, Germer mille sonnets dans le cœur des poètes, Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos Noirs.   русский   LXII MŒSTA ET ERRABUNDA     Dis-moi, ton cœur parfois s'envole-t-il, Agathe, Loin du noir océan de l'immonde cité, Vers un autre océan où la splendeur éclate, Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité? Dis-moi, ton cœur parfois s'envole-t-il, Agathe?   La mer, la vaste mer, console nos labeurs! Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs, De cette fonction sublime de berceuse? La mer, la vaste mer, console nos labeurs!   Emporte-moi, wagon! Enlève-moi, frégate! Loin! Loin! Ici la boue est faite de nos pleurs! – Est-il vrai que parfois le triste cœur d'Agathe Dise: Loin des remords, des crimes, des douleurs, Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate?   Comme vous êtes loin, paradis parfumé, Où sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie, Où tout ce que l'on aime est digne d'être aimé, Où dans la volupté pure le cœur se noie! Comme vous êtes loin, paradis parfumé!   Mais le vert paradis des amours enfantines, Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets, Les violons vibrant derrière les collines, Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets, – Mais le vert paradis des amours enfantines,   L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs, Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine? Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs, Et l'animer encor d'une voix argentine, L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?   русский   LXIII LE REVENANT     Comme les anges à l'œil fauve, Je reviendrai dans ton alcôve Et vers toi glisserai sans bruit Avec les ombres de la nuit;   Et je te donnerai, ma brune, Des baisers froids comme la lune Et des caresses de serpent Autour d'une fosse rampant.   Quand viendra le matin livide, Tu trouveras ma place vide, Où jusqu'au soir il fera froid.   Comme d'autres par la tendresse, Sur ta vie et sur ta jeunesse, Moi, je veux régner par l'effroi.   русский   LXIV SONNET D'AUTOMNE     Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal: "Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite?" – Sois charmante et tais-toi! Mon cœur, que tout irrite, Excepté la candeur de l'antique animal,   Ne veut pas te montrer son secret infernal, Berceuse dont la main aux longs sommeils m'invite, Ni sa noire légende avec la flamme écrite. Je hais la passion et l'esprit me fait mal!   Aimons-nous doucement. L'Amour dans sa guérite, Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal. Je connais les engins de son vieil arsenal:   Crime, horreur et folie! – Ô pâle marguerite! Comme moi n'es-tu pas un soleil automnal, Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite?   русский   LXV TRISTESSES DE LA LUNE     Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse; Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins, Qui d'une main distraite et légère caresse Avant de s'endormir le contour de ses seins,   Sur le dos satiné des molles avalanches, Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons, Et promène ses yeux sur les visions blanches Qui montent dans l'azur comme des floraisons.   Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive, Elle laisse filer une larme furtive, Un poète pieux, ennemi du sommeil,   Dans le creux de sa main prend cette larme pâle, Aux reflets irisés comme un fragment d'opale, Et la met dans son cœur loin des yeux du soleil.   русский   LXVI LES CHATS     Les amoureux fervents et les savants austères Aiment également, dans leur mûre saison, Les chats puissants et doux, orgueil de la maison, Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.   Amis de la science et de la volupté, Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres; L'Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres, S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.   Ils prennent en songeant les nobles attitudes Des grands sphinx allongés au fond des solitudes, Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;   Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques, Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin, Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.   русский   LXVII LES HIBOUX     Sous les ifs noirs qui les abritent, Les hiboux se tiennent rangés, Ainsi que des dieux étrangers, Dardant leur œil rouge. Ils méditent.   Sans remuer ils se tiendront Jusqu'à l'heure mélancolique Où, poussant le soleil oblique, Les ténèbres s'établiront.   Leur attitude au sage enseigne Qu'il faut en ce monde qu'il craigne Le tumulte et le mouvement;   L'homme ivre d'une ombre qui passe Porte toujours le châtiment D'avoir voulu changer de place.   русский   LXVIII LA PIPE     Je suis la pipe d'un auteur; On voit, à contempler ma mine D'Abyssinienne ou de Cafrine, Que mon maître est un grand fumeur.   Quand il est comblé de douleur, Je fume comme la chaumine Où se prépare la cuisine Pour le retour du laboureur.   J'enlace et je berce son âme Dans le réseau mobile et bleu Qui monte de ma bouche en feu,   Et je roule un puissant dictame Qui charme son cœur et guérit De ses fatigues son esprit.   русский   LXIX LA MUSIQUE     La musique souvent me prend comme une mer!    Vers ma pâle étoile, Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,    Je mets à la voile;   La poitrine en avant et les poumons gonflés    Comme de la toile, J'escalade le dos des flots amoncelés    Que la nuit me voile;   Je sens vibrer en moi toutes les passions    D'un vaisseau qui souffre; Le bon vent, la tempête et ses convulsions      Sur l'immense gouffre Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir    De mon désespoir!   русский   LXX SÉPULTURE     Si par une nuit lourde et sombre Un bon chrétien, par charité, Derrière quelque vieux décombre Enterre votre corps vanté,   À l'heure où les chastes étoiles Ferment leurs yeux appesantis, L'araignée y fera ses toiles, Et la vipère ses petits;   Vous entendrez toute l'année Sur votre tête condamnée Les cris lamentables des loups   Et des sorcières faméliques, Les ébats des vieillards lubriques Et les complots des noirs filous.   русский   LXXI UNE GRAVURE FANTASTIQUE     Ce spectre singulier n'a pour toute toilette, Grotesquement campé sur son front de squelette, Qu'un diadème affreux sentant le carnaval. Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval, Fantôme comme lui, rosse apocalyptique, Qui bave des naseaux comme un épileptique. Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux, Et foulent l'infini d'un sabot hasardeux. Le cavalier promène un sabre qui flamboie Sur les foules sans nom que sa monture broie, Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison, Le cimetière immense et froid, sans horizon, Où gisent, aux lueurs d'un soleil blanc et terne, Les peuples de l'histoire ancienne et moderne.   русский   LXXII LE MORT JOYEUX     Dans une terre grasse et pleine d'escargots Je veux creuser moi-même une fosse profonde, Où je puisse à loisir étaler mes vieux os Et dormir dans l'oubli comme une requin dans l'onde.   Je hais les testaments et je hais les tombeaux; Plutôt que d'implorer une larme du monde, Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux À saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.   Ô vers! Noirs compagnons sans oreille et sans yeux, Voyez venir à vous un mort libre et joyeux; Philosophes viveurs, fils de la pourriture,   À travers ma ruine allez donc sans remords, Et dites-moi s'il est encor quelque torture Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts!   русский   LXXIII LE TONNEAU DE LA HAINE     La Haine est le tonneau des pâles Danaïdes; La Vengeance éperdue aux bras rouges et forts A beau précipiter dans ses ténèbres vides De grands seaux pleins du sang et des larmes des morts,   Le Démon fait des trous secrets à ces abîmes, Par où fuiraient mille ans de sueurs et d'efforts, Quand même elle saurait ranimer ses victimes, Et pour les pressurer ressusciter leurs corps.   La Haine est un ivrogne au fond d'une taverne, Qui sent toujours la soif naître de la liqueur Et se multiplier comme l'hydre de Lerne.   – Mais les buveurs heureux connaissent leur vainqueur, Et la Haine est vouée à ce sort lamentable De ne pouvoir jamais s'endormir sous la table.   русский   LXXIV LA CLOCHE FÊLÉE     Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver, D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume, Les souvenirs lointains lentement s'élever Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.   Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante, Jette fidèlement son cri religieux, Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!   Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits, Il arrive souvent que sa voix affaiblie   Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts, Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.   русский   LXXV SPLEEN     Pluviôse, irrité contre la ville entière, De son urne à grands flots verse un froid ténébreux Aux pâles habitants du voisin cimetière Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.   Mon chat sur le carreau cherchant une litière Agite sans repos son corps maigre et galeux; L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière Avec la triste voix d'un fantôme frileux.   Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée Accompagne en fausset la pendule enrhumée, Cependant qu'en un jeu plein de sales parfums,   Héritage fatal d'une vieille hydropique, Le beau valet de cœur et la dame de pique Causent sinistrement de leurs amours défunts.   русский   LXXVI SPLEEN     J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.   Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans, De vers, de billets doux, de procès, de romances, Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances, Cache moins de secrets que mon triste cerveau. C'est une pyramide, un immense caveau,   Qui contient plus de morts que la fosse commune. – Je suis un cimetière abhorré de la lune, Où comme des remords se traînent de longs vers Qui s'acharnent toujours sur mes morts les plus chers. Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées, Où gît tout un fouillis de modes surannées, Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher, Seuls, respirent l'odeur d'un flacon débouché.   Rien n'égale en longueur les boiteuses journées, Quand sous les lourds flocons des neigeuses années L'ennui, fruit de la morne incuriosité, Prend les proportions de l'immortalité. – Désormais tu n'es plus, ô matière vivante! Qu'un granit entouré d'une vague épouvante, Assoupi dans le fond d'un Saharah brumeux; Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux, Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.   русский   LXXVII SPLEEN     Je suis comme le roi d'un pays pluvieux, Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très-vieux, Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes, S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bêtes. Rien ne peut l'égayer, ni gibier, ni faucon, Ni son peuple mourant en face du balcon. Du bouffon favori la grotesque ballade Ne distrait plus le front de ce cruel malade; Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau, Et les dames d'atour, pour qui tout prince est beau, Ne savent plus trouver d'impudique toilette Pour tirer un souris de ce jeune squelette. Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu De son être extirper l'élément corrompu, Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent, Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent, Il n'a su réchauffer ce cadavre hébété Où coule au lieu de sang l'eau verte du Léthé.   русский   LXXVIII SPLEEN     Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Et que de l'horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;   Quand la terre est changée en un cachot humide, Où l'Espérance, comme une chauve-souris, S'en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la tête à des plafonds pourris;   Quand la pluie étalant ses immenses traînées, D'une vaste prison imite les barreaux, Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,   Des cloches tout à coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent à geindre opiniâtrement.   – Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir, Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.   русский   LXXIX OBSESSION     Grands bois, vous m'effrayez comme des cathédrales; Vous hurlez comme l'orgue; et dans nos cœurs maudits, Chambres d'éternel deuil où vibrent de vieux râles, Répondent les échos de vos De profundis.   Je te hais, Océan! Tes bonds et tes tumultes, Mon esprit les retrouve en lui; ce rire amer De l'homme vaincu, plein de sanglots et d'insultes, Je l'entends dans le rire énorme de la mer.   Comme tu me plairais, ô nuit! Sans ces étoiles Dont la lumière parle un langage connu! Car je cherche le vide, et le noir, et le nu!  

The script ran 0.002 seconds.