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Шарль Бодлер - Цветы зла [1857]
Язык оригинала: FRA
Известность произведения: Средняя
Метки: poetry, Лирика, Модернизм, Поэзия, Сборник, Эротика

Аннотация. Стихотворный сборник «Цветы зла» (1857) - наиболее значительное произведение Ш. Бодлера, од­ного из крупнейших поэтов Франции XIX в. Герой цикла разрывается между идеалом духовной красоты и красотой порока, его терзают ощущение раздвоенности и жажда смерти. В настоящем издании перевод Эллиса впервые дается с параллельным французским текстом. Его дополняет статья Теофиля Готье.

Полный текст.
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  Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes, Produits avariés, nés d'un siècle vaurien, Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes, Qui sauront satisfaire un cœur comme le mien.   Je laisse à Gavarni, poète des chloroses, Son troupeau gazouillant de beautés d'hôpital, Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses Une fleur qui ressemble à mon rouge idéal.   Ce qu'il faut à ce cœur profond comme un abîme, C'est vous, Lady Macbeth, âme puissante au crime, Rêve d'Eschyle éclos au climat des autans;   Ou bien toi, grande nuit, fille de Michel-Ange, Qui tors paisiblement dans une pose étrange Tes appas façonnés aux bouches des Titans!   русский   XIX LA GÉANTE     Du temps que la nature en sa verve puissante Concevait chaque jour des enfants monstrueux, J'eusse aimé vivre auprès d'une jeune géante, Comme aux pieds d'une reine un chat voluptueux.   J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme Et grandir librement dans ses terribles jeux; Deviner si son cœur couve une sombre flamme Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux;   Parcourir à loisir ses magnifiques formes; Ramper sur le versant de ses genoux énormes, Et parfois en été, quand les soleils malsains,   Lasse, la font s'étendre à travers la campagne, Dormir nonchalamment à l'ombre de ses seins, Comme un hameau paisible au pied d'une montagne.   русский   XX LE MASQUE  À Ernest Christophe, statuaire.     STATUE ALLÉGORIQUE DANS LE GOÛT DE LA RENAISSANCE   Contemplons ce trésor de grâces florentines; Dans l'ondulation de ce corps musculeux L'élégance et la force abondent, sœurs divines. Cette femme, morceau vraiment miraculeux, Divinement robuste, adorablement mince, Est faite pour trôner sur des lits somptueux, Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.   – Aussi, vois ce souris fin et voluptueux Où la fatuité promène son extase; Ce long regard sournois, langoureux et moqueur; Ce visage mignard, tout encadré de gaze, Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur: "La volupté m'appelle et l'amour me couronne!" À cet être doué de tant de majesté Vois quel charme excitant la gentillesse donne! Approchons, et tournons autour de sa beauté.   Ô blasphème de l'art! Ô surprise fatale! La femme au corps divin, promettant le bonheur, Par le haut se termine en monstre bicéphale!   Mais non! Ce n'est qu'un masque, un décor suborneur, Ce visage éclairé d'une exquise grimace, Et, regarde, voici, crispée atrocement, La véritable tête, et la sincère face Renversée à l'abri de la face qui ment. Pauvre grande beauté! Le magnifique fleuve De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux; Ton mensonge m'enivre, et mon âme s'abreuve Aux flots que la douleur fait jaillir de tes yeux!   – Mais pourquoi pleure-t-elle? Elle, beauté parfaite Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu, Quel mal mystérieux ronge son flanc d'athlète?   – Elle pleure, insensé, parce qu'elle a vécu! Et parce qu'elle vit! Mais ce qu'elle déplore Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux, C'est que demain, hélas! Il faudra vivre encore! Demain, après-demain et toujours! – comme nous!   русский   XXI HYMNE À LA BEAUTÉ     Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, Ô beauté? Ton regard, infernal et divin, Verse confusément le bienfait et le crime, Et l'on peut pour cela te comparer au vin.   Tu contiens dans ton œil le couchant et l'aurore; Tu répands des parfums comme un soir orageux; Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.   Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres? Le destin charmé suit tes jupons comme un chien; Tu sèmes au hasard la joie et les désastres, Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.   Tu marches sur des morts, beauté, dont tu te moques; De tes bijoux l'horreur n'est pas le moins charmant, Et le meurtre, parmi tes plus chères breloques, Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.   L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle, Crépite, flambe et dit: bénissons ce flambeau! L'amoureux pantelant incliné sur sa belle A l'air d'un moribond caressant son tombeau.   Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe, Ô beauté! Monstre énorme, effrayant, ingénu! Si ton œil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte D'un infini que j'aime et n'ai jamais connu?   De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou sirène, Qu'importe, si tu rends, – fée aux yeux de velours, Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine! - L'univers moins hideux et les instants moins lourds?   русский   XXII PARFUM EXOTIQUE     Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;   Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont œil par sa franchise étonne.   Guidé par ton odeur vers de charmants climats, Je vois un port rempli de voiles et de mâts Encor tout fatigués par la vague marine,   Pendant que le parfum des verts tamariniers, Qui circule dans l'air et m'enfle la narine, Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.   русский   XXIII LA CHEVELURE     Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure! Ô boucles! Ô parfum chargé de nonchaloir! Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure Des souvenirs dormants dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!   La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique! Comme d'autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour! Nage sur ton parfum.   J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève, Se pâment longuement sous l'ardeur des climats; Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève! Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:   Un port retentissant où mon âme peut boire À grands flots le parfum, le son et la couleur; Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.   Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse Dans ce noir océan où l'autre est enfermé; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse! Infinis bercements du loisir embaumé!   Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m'enivre ardemment des senteurs confondues De l'huile de coco, du musc et du goudron.   Longtemps! Toujours! Ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde! N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde Où je hume à longs traits le vin du souvenir?   русский   XXIV     Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne, Ô vase de tristesse, ô grande taciturne, Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis, Et que tu me parais, ornement de mes nuits, Plus ironiquement accumuler les lieues Qui séparent mes bras des immensités bleues.   Je m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts, Comme après un cadavre un choeur de vermisseaux, Et je chéris, ô bête implacable et cruelle! Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle!   русский   XXV     Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle, Femme impure! L'ennui rend ton âme cruelle. Pour exercer tes dents à ce jeu singulier, Il te faut chaque jour un cœur au râtelier. Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques, Usent insolemment d'un pouvoir emprunté, Sans connaître jamais la loi de leur beauté.   Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde! Salutaire instrument, buveur du sang du monde, Comment n'as-tu pas honte et comment n'as-tu pas Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas? La grandeur de ce mal où tu te crois savante Ne t'a donc jamais fait reculer d'épouvante, Quand la nature, grande en ses desseins cachés, De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés, – De toi, vil animal, – pour pétrir un génie?   Ô fangeuse grandeur! Sublime ignominie!   русский   XXVI SED NON SATIATA     Bizarre déité, brune comme les nuits, Au parfum mélangé de musc et de havane, Œuvre de quelque obi, le Faust de la savane, Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,   Je préfère au constance, à l'opium, au nuits, L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane; Quand vers toi mes désirs partent en caravane, Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.   Par ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton âme, Ô démon sans pitié! Verse-moi moins de flamme; Je ne suis pas le Styx pour t'embrasser neuf fois,   Hélas! Et je ne puis, mégère libertine, Pour briser ton courage et te mettre aux abois, Dans l'enfer de ton lit devenir Proserpine!   русский   XXVII     Avec ses vêtements ondoyants et nacrés, Même quand elle marche on croirait qu'elle danse, Comme ces longs serpents que les jongleurs sacrés Au bout de leurs bâtons agitent en cadence.   Comme le sable morne et l'azur des déserts, Insensibles tous deux à l'humaine souffrance, Comme les longs réseaux de la houle des mers, Elle se développe avec indifférence.   Ses yeux polis sont faits de minéraux charmants, Et dans cette nature étrange et symbolique Où l'ange inviolé se mêle au sphinx antique,   Où tout n'est qu'or, acier, lumière et diamants, Resplendit à jamais, comme un astre inutile, La froide majesté de la femme stérile.   русский   XXVIII LE SERPENT QUI DANSE     Que j'aime voir, chère indolente,   De ton corps si beau, Comme une étoffe vacillante,   Miroiter la peau!   Sur ta chevelure profonde   Aux âcres parfums, Mer odorante et vagabonde   Aux flots bleus et bruns,   Comme un navire qui s'éveille   Au vent du matin, Mon âme rêveuse appareille   Pour un ciel lointain.   Tes yeux, où rien ne se révèle   De doux ni d'amer, Sont deux bijoux froids où se mêle   L'or avec le fer.   À te voir marcher en cadence,   Belle d'abandon, On dirait un serpent qui danse   Au bout d'un bâton.   Sous le fardeau de ta paresse   Ta tête d'enfant Se balance avec la mollesse   D'un jeune éléphant,   Et ton corps se penche et s'allonge   Comme un fin vaisseau Qui roule bord sur bord et plonge   Ses vergues dans l'eau.   Comme un flot grossi par la fonte   Des glaciers grondants, Quand l'eau de ta bouche remonte   Au bord de tes dents,   Je crois boire un vin de Bohême,   Amer et vainqueur, Un ciel liquide qui parsème   D'étoiles mon cœur!   русский   XXIX UNE CHAROGNE     Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,   Ce beau matin d'été si doux: Au détour d'un sentier une charogne infâme   Sur un lit semé de cailloux,   Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,   Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique   Son ventre plein d'exhalaisons.   Le soleil rayonnait sur cette pourriture,   Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande nature   Tout ce qu'ensemble elle avait joint;   Et le ciel regardait la carcasse superbe   Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe   Vous crûtes vous évanouir.   Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,   D'où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide   Le long de ces vivants haillons.   Tout cela descendait, montait comme une vague,   Ou s'élançait en pétillant; On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,   Vivait en se multipliant.   Et ce monde rendait une étrange musique,   Comme l'eau courante et le vent, Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique   Agite et tourne dans son van.   Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,   Une ébauche lente à venir, Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève   Seulement par le souvenir.   Derrière les rochers une chienne inquiète   Nous regardait d'un œil fâché, Épiant le moment de reprendre au squelette   Le morceau qu'elle avait lâché.   – Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,   À cette horrible infection, Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,   Vous, mon ange et ma passion!   Oui! Telle vous serez, ô la reine des grâces,   Après les derniers sacrements Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,   Moisir parmi les ossements.   Alors, ô ma beauté! Dites à la vermine   Qui vous mangera de baisers, Que j'ai gardé la forme et l'essence divine   De mes amours décomposés!   русский   XXX DE PROFUNDIS CLAMAVI     J'implore ta pitié, toi, l'unique que j'aime, Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé. C'est un univers morne à l'horizon plombé, Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;   Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois, Et les six autres mois la nuit couvre la terre; C'est un pays plus nu que la terre polaire; – Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!   Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse La froide cruauté de ce soleil de glace Et cette immense nuit semblable au vieux chaos;   Je jalouse le sort des plus vils animaux Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide, Tant l'écheveau du temps lentement se dévide!   русский   XXXI LE VAMPIRE     Toi qui, comme un coup de couteau, Dans mon cœur plaintif es entrée; Toi qui, forte comme un troupeau De démons, vins, folle et parée,   De mon esprit humilié Faire ton lit et ton domaine; – Infâme à qui je suis lié Comme le forçat à la chaîne,   Comme au jeu le joueur têtu, Comme à la bouteille l'ivrogne, Comme aux vermines la charogne, – Maudite, maudite sois-tu!   J'ai prié le glaive rapide De conquérir ma liberté, Et j'ai dit au poison perfide De secourir ma lâcheté.   Hélas! Le poison et le glaive M'ont pris en dédain et m'ont dit: "Tu n'es pas digne qu'on t'enlève À ton esclavage maudit,   Imbécile! – de son empire Si nos efforts te délivraient, Tes baisers ressusciteraient Le cadavre de ton vampire!"   русский   XXXII     Une nuit que j'étais près d'une affreuse Juive, Comme au long d'un cadavre un cadavre étendu, Je me pris à songer près de ce corps vendu À la triste beauté dont mon désir se prive.   Je me représentais sa majesté native, Son regard de vigueur et de grâces armé, Ses cheveux qui lui font un casque parfumé, Et dont le souvenir pour l'amour me ravive.   Car j'eusse avec ferveur baisé ton noble corps, Et depuis tes pieds frais jusqu'à tes noires tresses, Déroulé le trésor des profondes caresses,   Si, quelque soir, d'un pleur obtenu sans effort Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles! Obscurcir la splendeur de tes froides prunelles.   русский   XXXIII REMORDS POSTHUME     Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse, Au fond d'un monument construit en marbre noir, Et lorsque tu n'auras pour alcôve et manoir Qu'un caveau pluvieux et qu'une fosse creuse;   Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse Et tes flancs qu'assouplit un charmant nonchaloir, Empêchera ton cœur de battre et de vouloir, Et tes pieds de courir leur course aventureuse,   Le tombeau, confident de mon rêve infini (Car le tombeau toujours comprendra le poète), Durant ces grandes nuits d'où le somme est banni,

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