Andre Marie de Chenier - Non, Je Ne L’Amime PlusAndre Marie de Chenier - Non, Je Ne L’Amime Plus
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Non, je ne l`aime plus; un autre la possède.
On s`accoutume au mal que l`on voit sans remède.
De ses caprices vains je ne veux plus souffrir:
Mon élégie en pleurs ne sait plus l`attendrir.
Allez, Muses, partez. Votre art m`est inutile;
Que me font vos lauriers? vous laissez fuir Camille.
Près d`elle je voulais vous avoir pour soutien.
Allez, Muses, partez, si vous n`y pouvez rien.
Voilà donc comme on aime! On vous tient, vous caresse,
Sur les lèvres toujours on a quelque promesse!
Et puis... Ah! laissez-moi, souvenirs ennemis,
Projets, attente, espoir, qu`elle m`avait permis.
`Nous irons au hameau. Loin, bien loin de la ville,
Ignorés et contents, un silence tranquille
Ne montrera qu`au ciel notre asile écarté.
Là son âme viendra m`aimer en liberté. Fuyant d`un luxe vain l`entrave impérieuse,
Sans suite, sans témoins, seule et mystérieuse,
Jamais d`un oeil mortel un regard indiscret
N`osera la connaître et savoir son secret.
Seul je vivrai pour elle, et mon âme empressée Épiera ses désirs, ses besoins, sa pensée.
C`est moi qui ferai tout; moi qui de ses cheveux
Sur sa tête le soir assemblerai les noeuds.
Sa table par mes mains sera prête et choisie;
L`eau pure, de ma main, lui sera l`ambroisie.
Seul, c`est moi qui serai partout, à tout moment,
Son esclave fidèle et son fidèle amant.`
Tels étaient mes projets qu`insensés et volages
Le vent a dissipés parmi de vains nuages!
Ah! quand d`un long espoir on flatta ses désirs,
On n`y renonce point sans peine et sans soupirs.
Que de fois je t`ai dit: `Garde d`être inconstante,
Le monde entier déteste une parjure amante;
Fais-moi plutôt gémir sous des glaives sanglants,
Avec le feu plutôt déchire-moi les flancs.`
O honte! A deux genoux j`exprimais ces alarmes;
J`allais couvrant tes pieds de baisers et de larmes,
Tu me priais alors de cesser de pleurer:
En foule tes serments venaient me rassurer,
Mes craintes t`offensaient; tu n`étais pas de celles
Qui font jeu de courir à des flammes nouvelles:
Mille sceptres offerts pour ébranler ta foi,
Eût-ce été rien au prix du bonheur d`être à moi?
Avec de tels discours, ah! tu m`aurais fait croire
Aux clartés du soleil dans la nuit la plus noire.
Tu pleurais même; et moi, lent à me défier,
J`allais avec le lin dans tes yeux essuyer
Ces larmes lentement et malgré toi séchées;
Et je baisais ce lin qui les avait touchées.
Bien plus, pauvre insensé! j`en rougis: mille fois
Ta louange a monté ma lyre avec ma voix.
Je voudrais que Vulcain, et l`onde où tout s`oublie,
Eût consumé ces vers témoins de ma folie.
La même lyre encor pourrait bien me venger,
Perfide! Mais, non, non, il faut n`y plus songer.
Quoi! toujours un soupir vers elle me ramène!
Allons! Haïssons-la, puisqu`elle veut ma haine.
Oui, je la hais. Je jure... Eh! serments superflus!
N`ai-je pas dit assez que je ne l`aimais plus?
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