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Andre Marie de Chenier - Reste, Reste Avec NousAndre Marie de Chenier - Reste, Reste Avec Nous
Language: fre
Work rating: Low


Reste, reste avec nous, ô père des bons vins!   Dieu propice, ô Bacchus! toi dont les flots divins   Versent le doux oubli de ces maux qu`on adore;   Toi, devant qui I`amour s`enfuit et s`évapore,   Comme de ce cristal aux mobiles éclairs                              Tes esprits odorants s`exhalent dans les airs.   Eh bien! mes pas ont-ils refusé de vous suivre?   `Nous venons, disiez-vous, te conseiller de vivre.   Au lieu d`aller gémir, mendier des dédains,   Suis-nous, si tu le peux. La joie à nos festins                      T`appelle. Viens, les fleurs ont couronné la table:   Viens, viens y consoler ton âme inconsolable.`   Vous voyez, mes amis, si de ce noble soin   Mon coeur tranquille et libre avait aucun besoin.   Camille dans mon coeur ne trouve plus des armes,                    Et je l`entends nommer sans trouble, sans alarmes;   Ma pensée est loin d`elle, et je n`en parle plus;   Je crois la voir muette et le regard confus,   Pleurante. Sa beauté présomptueuse et vaine   Lui disait qu`un captif, une fois dans sa chaîne,                    Ne pouvait songer... Mais, que nous font ses ennuis?   Jeune homme, apporte-nous d`autres fleurs et des fruits.   Qu`est-ce, amis? nos éclats, nos jeux se ralentissent?   Que des verres plus grands dans nos mains se remplissent!   Pourquoi vois-je languir ces vins abandonnés,                        Sous le liège tenace encore emprisonnés?   Voyons si ce premier, fils de l`Andalousie,   Vaudra ceux dont Madère a formé l`ambroisie,   Ou ceux dont la Garonne enrichit ses coteaux,   Ou la vigne foulée aux pressoirs de Cîteaux.                        Non, rien n`est plus heureux que le mortel tranquille   Qui, cher à ses amis, à l`amour indocile,   Parmi les entretiens, les jeux et les banquets,   Laisse couler la vie et n`y pense jamais.   Ah! qu`un front et qu`une âme à la tristesse en proie                Feignent malaisément et le rire et la joie!   Je ne sais, mais partout je l`entends, je la voi;   Son fantôme attrayant est partout devant moi;   Son nom, sa voix absente errent dans mon oreille.   Peut-être aux feux du vin que l`amour se réveille:                  Sous les bosquets de Chypre, à Vénus consacrés,   Bacchus mûrit l`azur de ses pampres dorés.   J`ai peur que, pour tromper ma haine et ma vengeance,   Tous ces dieux malfaisants ne soient d`intelligence.   Du moins il m`en souvient, quand autrefois, auprès                  De cette ingrate aimée, en nos festins secrets,   Je portais à la hâte à ma bouche ravie   La coupe demi-pleine à ses lèvres saisie,   Ce nectar, de l`amour ministre insidieux,   Bien loin de les éteindre, aiguillonnait mes feux.                  Ma main courait saisir, de transports chatouillée,   Sa tête noblement folâtre, échevelée.   Elle riait; et moi, malgré ses bras jaloux,   J`arrivais à sa bouche, à ses baisers si doux;   J`avais soin de reprendre, utile stratagème!                        Les fleurs que sur son sein j`avais mises moi-même;   Et sur ce sein, mes doigts égarés, palpitants,   Les cherchaient, les suivaient, et les ôtaient longtemps.   Ah! je l`aimais alors! Je l`aimerais encore,   Si de tout conquérir la soif qui la dévore                          Eût flatté mon orgueil au lieu de l`outrager,   Si mon amour n`avait qu`un outrage à venger,   Si vingt crimes nouveaux n`avaient trop su l`éteindre,   Si je ne l`abhorrais! Ah! qu`un coeur est à plaindre   De s`être à son amour longtemps accoutumé,                          Quand il faut n`aimer plus ce qu`on a tant aimé!  Pourquoi, grands dieux! pourquoi la fîtes-vous si belle?   Mais ne me parlez plus, amis, de l`infidèle:   Que m`importe qu`un autre adore ses attraits,   Qu`un autre soit le roi de ses festins secrets;                      Que tous deux en riant ils me nomment peut-être;   De ses cheveux épars qu`un autre soit le maître;   Qu`un autre ait ses baisers, son coeur; qu`une autre main   Poursuive lentement des bouquets sur son sein?   Un autre! Ah! je ne puis en souffrir la pensée!                      Riez, amis; nommez ma fureur insensée.   Vous n`aimez pas, et j`aime, et je brûle, et je pars   Me coucher sur sa porte, implorer ses regards;   Elle entendra mes pleurs, elle verra mes larmes;   Et dans ses yeux divins, pleins de grâces, de charmes,              Le sourire ou la haine, arbitres de mon sort,   Vont ou me pardonner, ou prononcer ma mort.
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