Andre Marie de Chenier - PannychisAndre Marie de Chenier - Pannychis
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_Plusieurs jeunes files entourent un petit enfant... le caressent..._
--_On dit que tu as fait une chanson pour Pannychis, ta cousine?_
--_Oui, je l`aime, Pannychis... elle est belle. Elle a cinq ans comme
moi... Nous avons arrondi en berceau ces buissons de roses... Nous nous
promenons sous cet ombrage... On ne peut nous y troubler, car il est
trop bas pour qu`on y puisse entrer. Je lui ai donné une statue de Vénus
que mon père m`a faite avec du buis. Elle l`appelle sa fille, elle la
couche sur des feuilles de rose dans une écorce de grenade... Tous les
amants font toujours des chansons pour leur bergère... Et moi aussi,
j`en ai fait une pour elle..._
--_Eh bien, chante-nous ta chanson et nous te donnerons des raisins et
des figues mielleuses..._
--_Donnez-les-moi d`abord et puis je vais chanter... Il tend ses deux
mains... on lui donne... et puis, d`une voix claire et douce, il se met
à chanter_:
`Ma belle Pannychis, il faut bien que tu m`aimes;
Nous avons même toit, nos âges sont les mêmes.
Vois comme je suis grand, vois comme je suis beau.
Hier je me suis mis auprès de mon chevreau;
Par Pollux et Minerve! il ne pouvait qu`à peine
Faire arriver sa tête au niveau de la mienne.
D`une coque de noix j`ai fait un abri sûr Pour un beau scarabée étincelant d`azur;
Il couche sur la laine, et je te le destine.
Ce matin, j`ai trouvé parmi l`algue marine
Une vaste coquille aux brillantes couleurs;
Nous l`emplirons de terre, il y viendra des fleurs.
Je veux, pour te montrer une flotte nombreuse,
Lancer sur notre étang des écorces d`yeuse.
Le chien de la maison est si doux! chaque soir,
Mollement sur son dos je veux te faire asseoir;
Et, marchant devant toi jusques à notre asile,
Je guiderai les pas de ce coursier docile.`
_Il s`en va bien baisé, bien caressé... Les jeunes beautés le suivent de
loin. Arrivées aux rosiers, elles regardent par-dessus le berceau sous
lequel elles les voient occupés à former avec des buissons de myrte et
de roses un temple de verdure autour d`un petit autel, pour leur statue
de Vénus; elles rient. Ils lèvent la tête, les voient et leur disent de
s`en aller. On les embrasse... En s`en allant, la jeune Myro dit:... O
heureux âge!... Mes compagnes, venez voir aussi chez moi les monuments
de notre enfance... j`ai entouré d`une haie, pour le conserver, le
jardin que j`avais alors... Une chèvre l`aurait brouté tout entier en
une heure... C`est là que je vivais avec...; il m`appelait déjà sa femme
et je l`appelais mon époux... Nous n`étions pas plus hauts que telle
plante... Nous nous serions perdus dans une forêt de thym... Vous y
verrez encore les romarins s`élever en berceau comme des cyprès autour
du tombeau de marbre où sont écrits les vers d`Anyté... Mon bien-aimém`avait donné une cigale et une sauterelle. Elles moururent, je leur
élevai ce tombeau parmi le romarin. J`étais en pleurs... La belle Anytépassa, sa lyre à la main..._
--_Qu`as-tu? me demanda-t-elle._
--_Ma cigale et ma sauterelle sont mortes..._
--_Ah! me dit-elle, nous devons tous mourir (cinq ou six vers de
morale)..._
_Puis elle écrivit sur la pierre_:
`O sauterelle, à toi, rossignol des fougères,
A toi, verte cigale, amante des bruyères,
Myro de cette tombe élève les honneurs,
Et sa joue enfantine est humide de pleurs;
Car l`avare Achéron, les Soeurs impitoyables
Ont ravi de ses jeux ces compagnes aimables.`
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