Victor Hugo - Dans le jardinVictor Hugo - Dans le jardin
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Jeanne et Georges sont là. Le noir ciel orageux
Devient rose, et répand l`aurore sur leurs jeux ;
Ô beaux jours ! Le printemps auprès de moi s`empresse ;
Tout verdit ; la forêt est une enchanteresse ;
L`horizon change, ainsi qu`un décor d`opéra ;
Appelez ce doux mois du nom qu`il vous plaira,
C`est mai, c`est floréal ; c`est l`hyménée auguste
De la chose tremblante et de la chose juste,
Du nid et de l`azur, du brin d`herbe et du ciel ;
C`est l`heure où tout se sent vaguement éternel ;
C`est l`éblouissement, c`est l`espoir, c`est l`ivresse ;
La plante est une femme, et mon vers la caresse ;
C`est, grâce aux frais glaïeuls, grâce aux purs liserons,
La vengeance que nous poètes nous tirons
De cet affreux janvier, si laid ; c`est la revanche
Qu`avril contre l`hiver prend avec la pervenche ;
Courage, avril ! Courage, ô mois de mai ! Ciel bleu,
Réchauffe, resplendis, sois beau ! Bravo, bon Dieu !
Ah ! jamais la saison ne nous fait banqueroute.
L`aube passe en semant des roses sur sa route.
Flamme ! ombre ! tout est plein de ténèbres et d`yeux ;
Tout est mystérieux et tout est radieux ;
Qu`est-ce que l`alcyon cherche dans les tempêtes ?
L`amour ; l`antre et le nid ayant les mêmes fêtes,
Je ne vois pas pourquoi l`homme serait honteux
De ce que les lions pensifs ont devant eux,
De l`amour, de l`hymen sacré, de toi, nature !
Tout cachot aboutit à la même ouverture,
La vie ; et toute chaîne, à travers nos douleurs,
Commence par l`airain et finit par les fleurs.
C`est pourquoi nous avons d`abord la haine infâme,
La guerre, les tourments, les fléaux, puis la femme,
La nuit n`ayant pour but que d`amener le jour.
Dieu n`a fait l`univers que pour faire l`amour.
Toujours, comme un poète aime, comme les sages
N`ont pas deux vérités et n`ont pas deux visages,
J`ai laissé la beauté, fier et suprême attrait,
Vaincre, et faire de moi tout ce qu`elle voudrait ;
Je n`ai pas plus caché devant la femme nue
Mes transports, que devant l`étoile sous la nue
Et devant la blancheur du cygne sur les eaux.
Car dans l`azur sans fond les plus profonds oiseaux
Chantent le même chant, et ce chant, c`est la vie.
Sois puissant, je te plains ; sois aimé, je t`envie.
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