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Victor Hugo - Ecrit en 1827Victor Hugo - Ecrit en 1827
Language: fre
Work rating: Low


I Je suis triste quand je vois l`homme. Le vrai décroît dans les esprits. L`ombre qui jadis noya Rome Commence à submerger Paris. Les rois sournois, de peur des crises, Donnent aux peuples un calmant. Ils font des boîtes à surprises Qu`ils appellent charte et serment. Hélas ! nos anges sont vampires ; Notre albâtre vaut le charbon ; Et nos meilleurs seraient les pires D`un temps qui ne serait pas bon. Le juste ment, le sage intrigue ; Notre douceur, triste semblant, N`est que la peur de la fatigue Qu`on aurait d`être violent. Notre austérité frelatée N`admet ni Hampden ni Brutus ; Le syllogisme de l`athée Est à l`aise dans nos vertus. Sur l`honneur mort la honte flotte. On voit, prompt à prendre le pli, Se recomposer en ilote Le Spartiate démoli. Le ciel blêmit ; les fronts végètent ; Le pain du travailleur est noir ; Et des prêtres insulteurs jettent De la fange avec l`encensoir. C`est à peine, ô sombres années ! Si les yeux de l`homme obscurcis, L`aube et la raison condamnées, Obtiennent de l`ombre un sursis. Le passé règne ; il nous menace ; Le trône est son premier sujet ; Apre, il remet sa dent tenace Sur l`esprit humain qu`il rongeait. Le prince est bonhomme ; la rue Est pourtant sanglante. - Bravo ! Dit Dracon. - La royauté grue Monte sur le roi soliveau. Les actions sont des cloaques, Les consciences des égouts ; L`un vendrait la France aux cosaques, L`autre vendrait l`âme aux hiboux. La religion sombre emploie Pour le sang, la guerre et le fer, Les textes du ciel qu`elle ploie Au sens monstrueux de l`enfer. La renommée aux vents répète Des noms impurs soir et matin, Et l`on peut voir à sa trompette De la salive d`Arétin. La fortune, reine enivrée, De ce vieux Paris, notre aïeul, Lui met une telle livrée Qu`on préférerait le linceul. La victoire est une drôlesse ; Cette vivandière au flanc nu Rit de se voir mener en laisse Par le premier goujat venu. Point de Condés, des La Feuillades ; Mars et Vénus dans leur clapier ; Je n`admire point les oeillades De cette fille à ce troupier. Partout l`or sur la pourriture, L`idéal en proie aux moqueurs, Un abaissement de stature D`accord avec la nuit des coeurs. II Mais tourne le dos, ma pensée ! Viens ; les bois sont d`aube empourprés Sois de la fête ; la rosée T`a promise à la fleur des prés. Quitte Paris pour la feuillée. Une haleine heureuse est dans l`air ; La vaste joie est réveillée ; Quelqu`un rit dans le grand ciel clair. Viens sous l`arbre aux voix étouffées, Viens dans les taillis pleins d`amour la nuit vont danser les fées Et les paysannes le jour. Viens, on t`attend dans la nature. Les martinets sont revenus ; L`eau veut te conter l`aventure Des bas ôtés et des pieds nus. C`est la grande orgie ingénue Des nids, des ruisseaux, des forêts, Des rochers, des fleurs, de la nue ; La rose a dit que tu viendrais. Quitte Paris. La plaine est verte ; Le ciel, cherché des yeux en pleurs, Au bord de sa fenêtre ouverte Met avril, ce vase de fleurs. L`aube a voulu, l`aube superbe, Que pour toi le champ s`animât. L`insecte est au bout du brin d`herbe Comme un matelot au grand mât. Que t`importe Fouché de Nantes Et le prince de Bénévent ! Les belles mouches bourdonnantes Emplissent l`azur et le vent. Je ne comprends plus tes murmures Et je me déclare content Puisque voilà les fraises mûres Et que l`iris sort de l`étang. III Fuyons avec celle que j`aime. Paris trouble l`amour. Fuyons. Perdons-nous dans l`oubli suprême Des feuillages et des rayons. Les bois sont sacrés ; sur leurs cimes Resplendit le joyeux été ; Et les forêts sont des abîmes D`allégresse et de liberté. Toujours les coeurs les plus moroses Et les cerveaux les plus boudeurs Ont vu le bon côté des choses S`éclairer dans les profondeurs. Tout reluit ; le matin rougeoie ; L`eau brille ; on court dans le ravin ; La gaieté monte sur la joie Comme la mousse sur le vin. La tendresse sort des corolles ; Le rosier a l`air d`un amant. Comme on éclate en choses folles, Et comme on parle innocemment ! Ô fraîcheur du rire ! ombre pure ! Mystérieux apaisement ! Dans l`immense lueur obscure On s`emplit d`éblouissement. Adieu les vains soucis funèbres ! On ne se souvient que du beau. Si toute la vie est ténèbres, Toute la nature est flambeau. Qu`ailleurs la bassesse soit grande, Que l`homme soit vil et bourbeux, J`en souris, pourvu que j`entende Une clochette au cou des boeufs. Il est bien certain que les sources, Les arbres pleins de doux ébats, Les champs, sont les seules ressources Que l`âme humaine ait ici-bas. Ô solitude, tu m`accueilles Et tu m`instruis sous le ciel bleu ; Un petit oiseau sous les feuilles, Chantant, suffit à prouver Dieu.
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