Victor Hugo - Aux FeuillantinesVictor Hugo - Aux Feuillantines
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Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.
Notre mère disait: jouez, mais je défends
Qu`on marche dans les fleurs et qu`on monte aux échelles.
Abel était l`aîné, j`étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que les femmes riaient quand nous passions près d`elles.
Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d`une armoire un livre inaccessible.
Nous grimpâmes un jour jusqu`à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fimes pour l`avoir,
Mais je me souviens bien que c`était une Bible.
Ce vieux livre sentait une odeur d`encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!
Nous l`ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et dès le premier mot il nous parut si doux
Qu`oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire.
Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes.
Tels des enfants, s`ils ont pris un oiseau des cieux,
S`appellent en riant et s`étonnent, joyeux,
De sentir dans leur main la douceur de ses plumes.
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