Victor Hugo - Dans la forêtVictor Hugo - Dans la forêt
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De quoi parlait le vent ? De quoi tremblaient les branches ?
Était-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches,
Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls,
Ou parce qu`elle et moi nous étions là tout seuls ?
Elle hésitait. Pourquoi ? Soleil, azur, rosées,
Aurore ! Nous tâchions d`aller, pleins de pensées,
Elle vers la campagne et moi vers la forêt.
Chacun de son côté tirait l`autre, et, discret,
Je la suivais d`abord, puis, à son tour docile,
Elle venait, ainsi qu`autrefois en Sicile
Faisaient Flore et Moschus, Théocrite et Lydé.
Comme elle ne m`avait jamais rien accordé,
Je riais, car le mieux c`est de tâcher de rire
Lorsqu`on veut prendre une âme et qu`on ne sait que dire ;
J`étais le plus heureux des hommes, je souffrais.
Que la mousse est épaisse au fond des antres frais !
Par instants un éclair jaillissait de notre âme ;
Elle balbutiait : Monsieur... et moi : Madame.
Et nous restions pensifs, muets, vaincus, vainqueurs,
Après cette clarté faite dans nos deux coeurs.
Une source disait des choses sous un saule ;
Je n`avais encor vu qu`un peu de son épaule,
Je ne sais plus comment et je ne sais plus où ;
Oh ! le profond printemps, comme cela rend fou !
L`audace des moineaux sous les feuilles obscures,
Les papillons, l`abeille en quête, les piqûres,
Les soupirs, ressemblaient à de vagues essais,
Et j`avais peur, sentant que je m`enhardissais.
Il est certain que c`est une action étrange
D`errer dans l`ombre au point de cesser d`être un ange,
Et que l`herbe était douce, et qu`il est fabuleux
D`oser presser le bras d`une femme aux yeux bleus.
Nous nous sentions glisser vaguement sur la pente
De l`idylle où l`amour traître et divin serpente,
Et qui mène, à travers on ne sait quel jardin,
Souvent à l`enfer, mais en passant par l`éden.
Le printemps laisse faire, il permet, rien ne bouge.
Nous marchions, elle était rose, et devenait rouge,
Et je ne savais rien, tremblant de mon succès,
Sinon qu`elle pensait à ce que je pensais.
Pâle, je prononçais des noms, Béatrix, Dante ;
Sa guimpe s`entrouvrait, et ma prunelle ardente
Brillait, car l`amoureux contient un curieux.
Viens ! dis-je... - Et pourquoi pas, ô bois mystérieux ?
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