Victor Hugo - A un poèteVictor Hugo - A un poète
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Ami, cache ta vie et répands ton esprit.
Un tertre, où le gazon diversement fleurit ;
Des ravins où l`on voit grimper les chèvres blanches ;
Un vallon, abrité sous un réseau de branches
Pleines de nids d`oiseaux, de murmures, de voix,
Qu`un vent joyeux remue, et d`où tombe parfois,
Comme un sequin jeté par une main distraite,
Un rayon de soleil dans ton âme secrète ;
Quelques rocs, par Dieu même arrangés savamment
Pour faire des échos au fond du bois dormant ;
Voilà ce qu`il te faut pour séjour, pour demeure !
C`est là, - que ta maison chante, aime, rie ou pleure, -
Qu`il faut vivre, enfouir ton toit, borner tes jours,
Envoyant un soupir à peine aux antres sourds,
Mirant dans ta pensée intérieure et sombre
La vie obscure et douce et les heures sans nombre,
Bon d`ailleurs, et tournant, sans trouble ni remords,
Ton coeur vers les enfants, ton âme vers les morts !
Et puis, en même temps, au hasard, par le monde,
Suivant sa fantaisie auguste et vagabonde,
Loin de toi, par delà ton horizon vermeil,
Laisse ta poésie aller en plein soleil !
Dans les rauques cités, dans les champs taciturnes,
Effleurée en passant des lèvres et des urnes,
Laisse-la s`épancher, cristal jamais terni,
Et fuir, roulant toujours vers Dieu, gouffre infini,
Calme et pure, à travers les âmes fécondées,
Un immense courant de rêves et d`idées,
Qui recueille en passant, dans son flot solennel,
Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel !
Toi, sois heureux dans l`ombre. En ta vie ignorée,
Dans ta tranquillité vénérable et sacrée,
Reste réfugié, penseur mystérieux !
Et que le voyageur malade et sérieux
Puisse, si le hasard l`amène en ta retraite,
Puiser en toi la paix, l`espérance discrète,
L`oubli de la fatigue et l`oubli du danger,
Et boire à ton esprit limpide, sans songer
Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s`abreuve.
Sois petit comme source et sois grand comme fleuve
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