Victor Hugo - Amour secretVictor Hugo - Amour secret
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Ô toi d`où me vient ma pensée,
Sois fière devant le Seigneur !
Relève ta tête abaissée,
Ô toi d`où me vient mon bonheur !
Quand je traverse cette lieue
Qui nous sépare, au sein des nuits,
Ta patrie étoilée et bleue
Rayonne à mes yeux éblouis.
C`est l`heure où cent lampes en flammes
Brillent aux célestes plafonds ;
L`heure où les astres et les âmes
Échangent des regards profonds.
Je sonde alors ta destinée,
Je songe à toi, qui viens des cieux,
A toi, grande âme emprisonnée,
A toi, grand coeur mystérieux !
Noble femme, reine asservie,
Je rêve à ce sort envieux
Qui met tant d`ombre dans ta vie,
Tant de lumière dans tes yeux
Moi, je te connais tout entière
Et je te contemple à genoux ;
Mais autour de tant de lumière
Pourquoi tant d`ombre, ô sort jaloux ?
Dieu lui donna tout, hors l`aumône
Qu`il fait à tous dans sa bonté ;
Le ciel qui lui devait un trône
Lui refusa la liberté.
Oui, ton aile, que le bocage,
Que l`air joyeux réclame en vain,
Se brise aux barreaux d`une cage,
Pauvre grande âme, oiseau divin !
Bel ange, un joug te tient captive,
Cent préjugés sont ta prison,
Et ton attitude pensive,
Hélas, attriste ta maison.
Tu te sens prise par le monde
Qui t`épie, injuste et mauvais.
Dans ton amertume profonde
Souvent tu dis : si je pouvais !
Mais l`amour en secret te donne
Ce qu`il a de pur et de beau,
Et son invisible couronne,
Et son invisible flambeau !
Flambeau qui se cache à l`envie,
Qui luit, splendide et clandestin,
Et qui n`éclaire de la vie
Que l`intérieur du destin.
L`amour te donne, ô douce femme,
Ces plaisirs où rien n`est amer,
Et ces regards où toute l`âme
Apparaît dans un seul éclair,
Et le sourire, et la caresse,
L`entretien furtif et charmant,
Et la mélancolique ivresse
D`un ineffable épanchement,
Et les traits chéris d`un visage,
Ombre qu`on aime et qui vous suit,
Qu`on voit le jour dans le nuage,
Qu`on voit dans le rêve la nuit,
Et les extases solitaires,
Quand tous deux nous nous asseyons
Sous les rameaux pleins de mystères
Au fond des bois pleins de rayons ;
Purs transports que la foule ignore,
Et qui font qu`on a d`heureux jours
Tant qu`on peut espérer encore
Ce dont on se souvient toujours.
Va, sèche ton bel oeil qui pleure,
Ton sort n`est pas déshérité.
Ta part est encor la meilleure,
Ne te plains pas, ô ma beauté !
Ce qui manque est bien peu de chose
Quand on est au printemps vermeil,
Et quand on vit comme la rose
De parfums, d`ombre et de soleil.
Laisse donc, ô ma douce muse,
Sans le regretter un seul jour,
Ce que le destin te refuse
Pour ce que te donne l`amour !
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