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Victor Hugo - A mademoiselle Louise B.Victor Hugo - A mademoiselle Louise B.
Language: fre
Work rating: Low


Ô vous l`âme profonde ! ô vous la sainte lyre ! Vous souvient-il des temps d`extase et de délire, Et des jeux triomphants, Et du soir qui tombait des collines prochaines ? Vous souvient-il des jours ? Vous souvient-il des chênes Et des petits enfants ? Et vous rappelez-vous les amis, et la table, Et le rire éclatant du père respectable, Et nos cris querelleurs, Le pré, l`étang, la barque, et la lune, et la brise, Et les chants qui sortaient de votre coeur, Louise, En attendant les pleurs ! Le parc avait des fleurs et n`avait pas de marbres. Oh ! comme il était beau, le vieillard, sous les arbres ! Je le voyais parfois Dès l`aube sur un banc s`asseoir tenant un livre ; Je sentais, j`entendais l`ombre autour de lui vivre Et chanter dans les bois ! Il lisait, puis dormait au baiser de l`aurore ; Et je le regardais dormir, plus calme encore Que ce paisible lieu, Avec son front serein d`où sortait une flamme, Son livre ouvert devant le soleil, et son âme Ouverte devant Dieu ! Et du fond de leur nid, sous l`orme et sous l`érable, Les oiseaux admiraient sa tête vénérable, Et, gais chanteurs tremblants, Ils guettaient, s`approchaient et souhaitaient dans l`ombre D`avoir, pour augmenter la douceur du nid sombre, Un de ses cheveux blancs ! Puis il se réveillait, s`en allait vers la grille, S`arrêtait pour parler à ma petite fille, Et ces temps sont passés ! Le vieillard et l`enfant jasaient de mille choses... Vous ne voyiez donc pas ces deux êtres, ô roses, Que vous refleurissez ! Avez-vous bien le coeur, ô roses, de renaître Dans le même bosquet, sous la même fenêtre ? sont-ils, ces fronts purs ? N`étaient-ce pas vos soeurs, ces deux âmes perdues Qui vivaient, et se sont si vite confondues Aux éternels azurs ? Est-ce que leur sourire, est-ce que leurs paroles, Ô roses, n`allaient pas réjouir vos corolles Dans l`air silencieux, Et ne s`ajoutaient pas à vos chastes délices, Et ne devenaient pas parfums dans vos calices, Et rayons dans vos cieux ? Ingrates ! vous n`avez ni regrets, ni mémoire. Vous vous réjouissez dans toute votre gloire ; Vous n`avez point pâli. Ah ! je ne suis qu`un homme et qu`un roseau qui ploie, Mais je ne voudrais pas, quant à moi, d`une joie Faite de tant d`oubli ! Oh ! qu`est-ce que le sort a fait de tout ce rêve ? donc a-t-il jeté l`humble coeur qui s`élève, Le foyer réchauffant, Ô Louise, et la vierge, et le vieillard prospère, Et tous ces voeux profonds, de moi pour votre père, De vous pour mon enfant ? sont-ils, les amis de ce temps que j`adore ? Ceux qu`a pris l`ombre et ceux qui ne sont pas encore Tombés aux flots sans bords ; Eux, les évanouis, qu`un autre ciel réclame, Et vous, les demeurés, qui vivez dans mon âme, Mais pas plus que les morts ! Quelquefois je voyais, de la colline en face, Mes quatre enfants jouer, tableau que rien n`efface ! Et j`entendais leurs chants ; Ému, je contemplais ces aubes de moi-même Qui se levaient là-bas dans la douceur suprême Des vallons et des champs ! Ils couraient, s`appelaient dans les fleurs ; et les femmes Se mêlaient à leurs jeux comme de blanches âmes ; Et tu riais, Armand ! Et, dans l`hymen obscur qui sans fin se consomme, La nature sentait que ce qui sort de l`homme Est divin et charmant. sont-ils ? Mère, frère, à son tour chacun sombre. Je saigne et vous saignez. Mêmes douleurs ! même ombre ! Ô jours trop tôt décrus ! Ils vont se marier ; faites venir un prêtre ; Qu`il revienne ! ils sont morts. Et, le temps d`apparaître, Les voilà disparus ! Nous vivons tous penchés sur un océan triste. L`onde est sombre. Qui donc survit ? qui donc existe ? Ce bruit sourd, c`est le glas. Chaque flot est une âme ; et tout fuit. Rien ne brille. Un sanglot dit : Mon père ! un sanglot dit : Ma fille ! Un sanglot dit : Hélas !
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