Share:
  Guess poet | Poets | Poets timeline | Isles | Contacts

Victor Hugo - A celle qui est restée en FranceVictor Hugo - A celle qui est restée en France
Language: fre
Work rating: Low


I Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d`ange, Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi. Ce livre vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi, Ce livre qui contient le spectre de ma vie, Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie, L`ombre et son ouragan, la rose et son pistil, Ce livre azuré, triste, orageux, d`où sort-il ? D`où sort le blême éclair qui déchire la brume ? Depuis quatre ans, j`habite un tourbillon d`écume ; Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j`écrivais ; Car je suis paille au vent. Va ! dit l`esprit. Je vais. Et, quand j`eus terminé ces pages, quand ce livre Se mit à palpiter, à respirer, à vivre, Une église des champs, que le lierre verdit, Dont la tour sonne l`heure à mon néant, m`a dit : Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte. - Je le réclame, a dit la forêt inquiète ; Et le doux pré fleuri m`a dit : - Donne-le-moi. La mer, en le voyant frémir, m`a dit : - Pourquoi Ne pas me le jeter, puisque c`est une voile ! - C`est à moi qu`appartient cet hymne, a dit l`étoile. - Donne-le-nous, songeur, ont crié les grands vents. Et les oiseaux m`ont dit : - Vas-tu pas aux vivants Offrir ce livre, éclos si loin de leurs querelles ? Laisse-nous l`emporter dans nos nids sur nos ailes ! - Mais le vent n`aura point mon livre, ô cieux profonds ! Ni la sauvage mer, livrée aux noirs typhons, Ouvrant et refermant ses flots, âpres embûches ; Ni la verte forêt qu`emplit un bruit de ruches ; Ni l`église le temps fait tourner son compas ; Le pré ne l`aura pas, l`astre ne l`aura pas, L`oiseau ne l`aura pas, qu`il soit aigle ou colombe, Les nids ne l`auront pas ; je le donne à la tombe. II Autrefois, quand septembre en larmes revenait, Je partais, je quittais tout ce qui me connaît, Je m`évadais ; Paris s`effaçait ; rien, personne ! J`allais, je n`étais plus qu`une ombre qui frissonne, Je fuyais, seul, sans voir, sans penser, sans parler, Sachant bien que j`irais je devais aller ; Hélas ! je n`aurais pu même dire : Je souffre ! Et, comme subissant l`attraction d`un gouffre, Que le chemin fût beau, pluvieux, froid, mauvais, J`ignorais, je marchais devant moi, j`arrivais. Ô souvenirs ! ô forme horrible des collines ! Et, pendant que la mère et la soeur, orphelines, Pleuraient dans la maison, je cherchais le lieu noir Avec l`avidité morne du désespoir ; Puis j`allais au champ triste à côté de l`église ; Tête nue, à pas lents, les cheveux dans la bise, L`oeil aux cieux, j`approchais ; l`accablement soutient ; Les arbres murmuraient : C`est le père qui vient ! Les ronces écartaient leurs branches desséchées ; Je marchais à travers les humbles croix penchées, Disant je ne sais quels doux et funèbres mots ; Et je m`agenouillais au milieu des rameaux Sur la pierre qu`on voit blanche dans la verdure. Pourquoi donc dormais-tu d`une façon si dure Que tu n`entendais pas lorsque je t`appelais ? Et les pêcheurs passaient en traînant leurs filets, Et disaient : Qu`est-ce donc que cet homme qui songe ? Et le jour, et le soir, et l`ombre qui s`allonge, Et Vénus, qui pour moi jadis étincela, Tout avait disparu que j`étais encor là. J`étais là, suppliant celui qui nous exauce ; J`adorais, je laissais tomber sur cette fosse, Hélas ! j`avais vu s`évanouir mes cieux, Tout mon coeur goutte à goutte en pleurs silencieux ; J`effeuillais de la sauge et de la clématite ; Je me la rappelais quand elle était petite, Quand elle m`apportait des lys et des jasmins, Ou quand elle prenait ma plume dans ses mains, Gaie, et riant d`avoir de l`encre à ses doigts roses ; Je respirais les fleurs sur cette cendre écloses, Je fixais mon regard sur ces froids gazons verts, Et par moments, ô Dieu, je voyais, à travers La pierre du tombeau, comme une lueur d`âme ! Oui, jadis, quand cette heure en deuil qui me réclame Tintait dans le ciel triste et dans mon coeur saignant, Rien ne me retenait, et j`allais ; maintenant, Hélas !... - Ô fleuve ! ô bois ! vallons dont je fus l`hôte, Elle sait, n`est-ce pas ? que ce n`est pas ma faute Si, depuis ces quatre ans, pauvre coeur sans flambeau, Je ne suis pas allé prier sur son tombeau ! III Ainsi, ce noir chemin que je faisais, ce marbre Que je contemplais, pâle, adossé contre un arbre, Ce tombeau sur lequel mes pieds pouvaient marcher, La nuit, que je voyais lentement approcher, Ces ifs, ce crépuscule avec ce cimetière, Ces sanglots, qui du moins tombaient sur cette pierre, Ô mon Dieu, tout cela, c`était donc du bonheur ! Dis, qu`as-tu fait pendant tout ce temps-là ? - Seigneur, Qu`a-t-elle fait ? - Vois-tu la vie en vos demeures ? A quelle horloge d`ombre as-tu compté les heures ? As-tu sans bruit parfois poussé l`autre endormi ? Et t`es-tu, m`attendant, réveillée à demi ? T`es-tu, pâle, accoudée à l`obscure fenêtre De l`infini, cherchant dans l`ombre à reconnaître Un passant, à travers le noir cercueil mal joint, Attentive, écoutant si tu n`entendais point Quelqu`un marcher vers toi dans l`éternité sombre ? Et t`es-tu recouchée ainsi qu`un mât qui sombre, En disant : Qu`est-ce donc ? mon père ne vient pas ! Avez-vous tous les deux parlé de moi tout bas ? Que de fois j`ai choisi, tout mouillés de rosée, Des lys dans mon jardin, des lys dans ma pensée ! Que de fois j`ai cueilli de l`aubépine en fleur ! Que de fois j`ai, là-bas, cherché la tour d`Harfleur, Murmurant : C`est demain que je pars ! et, stupide, Je calculais le vent et la voile rapide, Puis ma main s`ouvrait triste, et je disais : Tout fuit ! Et le bouquet tombait, sinistre, dans la nuit ! Oh ! que de fois, sentant qu`elle devait m`attendre, J`ai pris ce que j`avais dans le coeur de plus tendre Pour en charger quelqu`un qui passerait par ! Lazare ouvrit les yeux quand Jésus l`appela ; Quand je lui parle, hélas ! pourquoi les ferme-t-elle ? serait donc le mal quand de l`ombre mortelle L`amour violerait deux fois le noir secret, Et quand, ce qu`un dieu fit, un père le ferait ? IV Que ce livre, du moins, obscur message, arrive, Murmure, à ce silence, et, flot, à cette rive ! Qu`il y tombe, sanglot, soupir, larme d`amour ! Qu`il entre en ce sépulcre sont entrés un jour Le baiser, la jeunesse, et l`aube, et la rosée, Et le rire adoré de la fraîche épousée, Et la joie, et mon coeur, qui n`est pas ressorti ! Qu`il soit le cri d`espoir qui n`a jamais menti, Le chant du deuil, la voix du pâle adieu qui pleure, Le rêve dont on sent l`aile qui nous effleure ! Qu`elle dise : Quelqu`un est ; j`entends du bruit ! Qu`il soit comme le pas de mon âme en sa nuit ! Ce livre, légion tournoyante et sans nombre D`oiseaux blancs dans l`aurore et d`oiseaux noirs dans l`ombre, Ce vol de souvenirs fuyant à l`horizon, Cet essaim que je lâche au seuil de ma prison, Je vous le confie, air, souffles, nuée, espace ! Que ce fauve océan qui me parle à voix basse, Lui soit clément, l`épargne et le laisse passer ! Et que le vent ait soin de n`en rien disperser, Et jusqu`au froid caveau fidèlement apporte Ce don mystérieux de l`absent à la morte ! Ô Dieu ! puisqu`en effet, dans ces sombres feuillets, Dans ces strophes qu`au fond de vos cieux je cueillais, Dans ces chants murmurés comme un épithalame Pendant que vous tourniez les pages de mon âme, Puisque j`ai, dans ce livre, enregistré mes jours, Mes maux, mes deuils, mes cris dans les problèmes sourds, Mes amours, mes travaux, ma vie heure par heure ; Puisque vous ne voulez pas encor que je meure, Et qu`il faut bien pourtant que j`aille lui parler ; Puisque je sens le vent de l`infini souffler Sur ce livre qu`emplit l`orage et le mystère ; Puisque j`ai versé toutes vos ombres, terre, Humanité, douleur, dont je suis le passant ; Puisque de mon esprit, de mon coeur, de mon sang, J`ai fait l`âcre parfum de ces versets funèbres, Va-t`en, livre, à l`azur, à travers les ténèbres ! Fuis vers la brume tout à pas lents est conduit ! Oui, qu`il vole à la fosse, à la tombe, à la nuit, Comme une feuille d`arbre ou comme une âme d`homme ! Qu`il roule au gouffre va tout ce que la voix nomme ! Qu`il tombe au plus profond du sépulcre hagard, A côté d`elle, ô mort ! et que là, le regard, Près de l`ange qui dort, lumineux et sublime, Le voie épanoui, sombre fleur de l`abîme ! V Ô doux commencements d`azur qui me trompiez, Ô bonheurs ! je vous ai durement expiés ! J`ai le droit aujourd`hui d`être, quand la nuit tombe, Un de ceux qui se font écouter de la tombe, Et qui font, en parlant aux morts blêmes et seuls, Remuer lentement les plis noirs des linceuls, Et dont la parole, âpre ou tendre, émeut les pierres, Les grains dans les sillons, les ombres dans les bières, La vague et la nuée, et devient une voix De la nature, ainsi que la rumeur des bois. Car voilà, n`est-ce pas, tombeaux ? bien des années, Que je marche au milieu des croix infortunées, Échevelé parmi les ifs et les cyprès, L`âme au bord de la nuit, et m`approchant tout près, Et que je vais, courbé sur le cercueil austère, Questionnant le plomb, les clous, le ver de terre Qui pour moi sort des yeux de la tête de mort, Le squelette qui rit, le squelette qui mord, Les mains aux doigts noueux, les crânes, les poussières, Et les os des genoux qui savent des prières ! Hélas ! j`ai fouillé tout. J`ai voulu voir le fond. Pourquoi le mal en nous avec le bien se fond, J`ai voulu le savoir. J`ai dit : Que faut-il croire ? J`ai creusé la lumière, et l`aurore, et la gloire, L`enfant joyeux, la vierge et sa chaste frayeur, Et l`amour, et la vie, et l`âme, - fossoyeur. Qu`ai-je appris ? J`ai, pensif , tout saisi sans rien prendre ; J`ai vu beaucoup de nuit et fait beaucoup de cendre. Qui sommes-nous ? que veut dire ce mot : Toujours ? J`ai tout enseveli, songes, espoirs, amours, Dans la fosse que j`ai creusée en ma poitrine. Qui donc a la science ? donc est la doctrine ? Oh ! que ne suis-je encor le rêveur d`autrefois, Qui s`égarait dans l`herbe, et les prés, et les bois, Qui marchait souriant, le soir, quand le ciel brille, Tenant la main petite et blanche de sa fille, Et qui, joyeux, laissant luire le firmament, Laissant l`enfant parler, se sentait lentement Emplir de cet azur et de cette innocence ! Entre Dieu qui flamboie et l`ange qui l`encense, J`ai vécu, j`ai lutté, sans crainte, sans remord. Puis ma porte soudain s`ouvrit devant la mort, Cette visite brusque et terrible de l`ombre. Tu passes en laissant le vide et le décombre, Ô spectre ! tu saisis mon ange et tu frappas. Un tombeau fut dès lors le but de tous mes pas. VI Je ne puis plus reprendre aujourd`hui dans la plaine Mon sentier d`autrefois qui descend vers la Seine ; Je ne puis plus aller j`allais ; je ne puis, Pareil à la laveuse assise au bord du puits, Que m`accouder au mur de l`éternel abîme ; Paris m`est éclipsé par l`énorme Solime ; La haute Notre-Dame à présent, qui me luit, C`est l`ombre ayant deux tours, le silence et la nuit, Et laissant des clartés trouer ses fatals voiles ; Et je vois sur mon front un panthéon d`étoiles ; Si j`appelle Rouen, Villequier, Caudebec, Toute l`ombre me crie : Horeb, Cédron, Balbeck ! Et, si je pars, m`arrête à la première lieue, Et me dit: Tourne-toi vers l`immensité bleue ! Et me dit : Les chemins tu marchais sont clos. Penche-toi sur les nuits, sur les vents, sur les flots ! A quoi penses-tu donc ? que fais-tu, solitaire ? Crois-tu donc sous tes pieds avoir encor la terre ? vas-tu de la sorte et machinalement ? Ô songeur ! penche-toi sur l`être et l`élément ! Écoute la rumeur des âmes dans les ondes ! Contemple, s`il te faut de la cendre, les mondes ; Cherche au moins la poussière immense, si tu veux Mêler de la poussière à tes sombres cheveux, Et regarde, en dehors de ton propre martyre, Le grand néant, si c`est le néant qui t`attire ! Sois tout à ces soleils tu remonteras ! Laisse ton vil coin de terre. Tends les bras, Ô proscrit de l`azur, vers les astres patries ! Revois-y refleurir tes aurores flétries ; Deviens le grand oeil fixe ouvert sur le grand tout. Penche-toi sur l`énigme l`être se dissout, Sur tout ce qui naît, vit, marche, s`éteint, succombe, Sur tout le genre humain et sur toute la tombe ! Mais mon coeur toujours saigne et du même côté. C`est en vain que les cieux, les nuits, l`éternité, Veulent distraire une âme et calmer un atome. Tout l`éblouissement des lumières du dôme M`ôte-t-il une larme ? Ah ! l`étendue a beau Me parler, me montrer l`universel tombeau, Les soirs sereins, les bois rêveurs, la lune amie ; J`écoute, et je reviens à la douce endormie. VII Des fleurs ! oh ! si j`avais des fleurs ! si Je pouvais Aller semer des lys sur ces deux froids chevets ! Si je pouvais couvrir de fleurs mon ange pâle ! Les fleurs sont l`or, l`azur, l`émeraude, l`opale ! Le cercueil au milieu des fleurs veut se coucher ; Les fleurs aiment la mort, et Dieu les fait toucher Par leur racine aux os, par leur parfum aux âmes ! Puisque je ne le puis, aux lieux que nous aimâmes, Puisque Dieu ne veut pas nous laisser revenir, Puisqu`il nous fait lâcher ce qu`on croyait tenir, Puisque le froid destin, dans ma geôle profonde, Sur la première porte en scelle une seconde, Et, sur le père triste et sur l`enfant qui dort, Ferme l`exil après avoir fermé la mort, Puisqu`il est impossible à présent que je jette Même un brin de bruyère à sa fosse muette, C`est bien le moins qu`elle ait mon âme, n`est-ce pas ? Ô vent noir dont j`entends sur mon plafond le pas ! Tempête, hiver, qui bats ma vitre de ta grêle ! Mers, nuits ! et je l`ai mise en ce livre pour elle ! Prends ce livre ; et dis-toi : Ceci vient du vivant Que nous avons laissé derrière nous, rêvant. Prends. Et, quoique de loin, reconnais ma voix, âme ! Oh ! ta cendre est le lit de mon reste de flamme ; Ta tombe est mon espoir, ma charité, ma foi ; Ton linceul toujours flotte entre la vie et moi. Prends ce livre, et fais-en sortir un divin psaume ! Qu`entre tes vagues mains il devienne fantôme ! Qu`il blanchisse, pareil à l`aube qui pâlit, A mesure que l`oeil de mon ange le lit, Et qu`il s`évanouisse, et flotte, et disparaisse, Ainsi qu`un âtre obscur qu`un souffle errant caresse, Ainsi qu`une lueur qu`on voit passer le soir, Ainsi qu`un tourbillon de feu de l`encensoir, Et que, sous ton regard éblouissant et sombre, Chaque page s`en aille en étoiles dans l`ombre ! VIII Oh ! quoi que nous fassions et quoi que nous disions, Soit que notre âme plane au vent des visions, Soit qu`elle se cramponne à l`argile natale, Toujours nous arrivons à ta grotte fatale, Gethsémani ! qu`éclaire une vague lueur ! Ô rocher de l`étrange et funèbre sueur ! Cave l`esprit combat le destin ! ouverture Sur les profonds effrois de la sombre nature ! Antre d`où le lion sort rêveur, en voyant Quelqu`un de plus sinistre et de plus effrayant, La douleur, entrer, pâle, amère, échevelée ! Ô chute ! asile ! ô seuil de la trouble vallée D`où nous apercevons nos ans fuyants et courts, Nos propres pas marqués dans la fange des jours, L`échelle le mal pèse et monte, spectre louche, L`âpre frémissement de la palme farouche, Les degrés noirs tirant en bas les blancs degrés, Et les frissons aux fronts des anges effarés ! Toujours nous arrivons à cette solitude, Et, là, nous nous taisons, sentant la plénitude ! Paix à l`ombre ! Dormez ! dormez ! dormez ! dormez ! Êtres, groupes confus lentement transformés ! Dormez, les champs ! dormez, les fleurs ! dormez, les tombes ! Toits, murs, seuils des maisons, pierres des catacombes, Feuilles au fond des bois, plumes au fond des nids, Dormez ! dormez, brins d`herbe, et dormez, infinis ! Calmez-vous, forêt, chêne, érable, frêne, yeuse ! Silence sur la grande horreur religieuse, Sur l`océan qui lutte et qui ronge son mors, Et sur l`apaisement insondable des morts ! Paix à l`obscurité muette et redoutée, Paix au doute effrayant, à l`immense ombre athée, A toi, nature, cercle et centre, âme et milieu, Fourmillement de tout, solitude de Dieu ! Ô générations aux brumeuses haleines, Reposez-vous ! pas noirs qui marchez dans les plaines ! Dormez, vous qui saignez ; dormez, vous qui pleurez ! Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés ! Tout est religion et rien n`est imposture. Que sur toute existence et toute créature, Vivant du souffle humain ou du souffle animal, Debout au seuil du bien, croulante au bord du mal, Tendre ou farouche, immonde ou splendide, humble ou grande, La vaste paix des cieux de toutes parts descende ! Que les enfers dormants rêvent les paradis ! Assoupissez-vous, flots, mers, vents, âmes, tandis Qu`assis sur la montagne en présence de l`Être, Précipice l`on voit pêle-mêle apparaître Les créations, l`astre et l`homme, les essieux De ces chars de soleil que nous nommons les cieux, Les globes, fruits vermeils des divines ramées, Les comètes d`argent dans un champ noir semées, Larmes blanches du drap mortuaire des nuits, Les chaos, les hivers, ces lugubres ennuis, Pâle, ivre d`ignorance, ébloui de ténèbres, Voyant dans l`infini s`écrire des algèbres, Le contemplateur, triste et meurtri, mais serein, Mesure le problème aux murailles d`airain, Cherche à distinguer l`aube à travers les prodiges, Se penche, frémissant, au puits des grands vertiges, Suit de l`oeil des blancheurs qui passent, alcyons, Et regarde, pensif, s`étoiler de rayons, De clartés, de lueurs, vaguement enflammées, Le gouffre monstrueux plein d`énormes fumées.
Source

The script ran 0.005 seconds.